Il fallait bien que ça arrive. Malgré un line-up de lancement tout ce qu’il y a de plus honorable, probablement le plus convaincant de toutes les consoles assimilées 128bits, la Xbox ne nous épargne pas les petites daubes qui essaient de faire leur trou parmi les premiers hits. Plus pernicieux, certaines n’hésitent pas à se parer sournoisement des plus beaux atours pour tromper le joueur crédule. Prenons Wreckless, par exemple : c’est un des plus beaux jeux Xbox, une véritable démo technologique pour la console la plus puissante et la plus grosse du moment. Dans le rayon « jeux de bagnoles urbains », on a rarement vu une esthétique aussi maîtrisée, techniquement et artistiquement. Lumières, reflets, effets de flou -profondeur de champs et chaleur obligent, pratique pour masquer les jaggies-, et habillage hong-kongais pour la hype. Il y a clairement de l’abus, on frôle parfois le trop-plein mais soyons honnêtes, Wreckless écrabouille jusqu’au pourtant superbe Gran turismo 3 en proposant les plus beaux replays du monde. Une extase graphique, qui ne se contente pas de donner dans le photoréalisme petit-épargnant : Wreckless fait montre d’une véritable démarche artistique.
Ce qu’il y a de plus surprenant, c’est qu’en terme de records, Wreckless ne s’arrête pas là : on n’avait jamais vu un tel grand écart entre une forme accomplie et un fond aussi creux. Car Wreckless est nul. C’est un jeu vain, mal foutu, agaçant, chiant, et on pourrait continuer comme ça sur plusieurs dizaines de paragraphes. Découpé en une vingtaine de petites missions, le gameplay du jeu ne consiste qu’à foncer comme des malades sur les voitures de truands et yakuzas jusqu’à ce qu’elles soient définitivement bonnes pour la ferraille. Quelques petites variations de-ci de là ne change rien à la donne, Wreckless est un jeu basique de chez basique. Avec un environnement urbain aussi soigné, on aurait voulu un autre Driver ou GTA3, une vraie liberté d’action, la possibilité de foncer dans les embouteillages, d’effrayer les passants pour une finalité autrement plus complexe que du cassage de yakuza. Hélas, la courte durée des missions n’invitent pas à la contemplation. C’est un véritable feu d’artifice, mais l’orgasme est de courte durée : Wreckless est un jeu pour éjaculateur précoce.
Pour couronner le tout -parce qu’au moins, dans son principe bas du front, Wreckless aurait pu se contenter d’être juste fun-, la maniabilité des véhicules est purement catastrophique. Aucune adhérence digne de ce nom, impossible de braquer correctement quelle que soit la voiture choisie, on a perpétuellement l’impression de piloter une savonnette. On va droit dans le mur quasiment à chaque virage et la moindre marche arrière est un véritable calvaire. On évitera donc, par charité chrétienne, les rares missions qui demandent un minimum de science de pilotage : à moins d’être un fanboy de base qui défendra le moindre jeu Xbox jusqu’à la mort, on voit mal comment on pourrait résister à l’envie de balancer Wreckless par la fenêtre. Quant à ceux qui voudraient quand même épater la galerie avec des graphismes poudre aux yeux, on leur conseille vivement de se pencher sur Dead or alive 3, jeu de combat discutable mais nettement plus fun et convivial.