Après le léger, place au sérieux du sport. De WWE 12 et d’un monde où l’on catche, Yuke revient avec UFC undisputed 3 à un monde où ce n’est plus la douleur sublimée qui compte, mais l’issue abrupte et fulgurante que couronnent les K.O. et les prises de soumission; un spectacle dont la vertu n’est plus esthétique, mais éthique et relative au sport : le mixed martial arts (MMA) discipline créée de toutes pièces par une organisation (l’Ultimate fighting Championship) dans le but de promouvoir sa propre diffusion. Un sport qui n’est que le dérivé idéologique d’un spectacle, et donc l’oeuvre d’une politique visant à le faire exister comme sport médiatique suivi en masse, dont UFC undisputed 3 constitue justement un formidable outil de propagande.
Dans la peau d’un combattant que l’on fait progresser durant sa carrière, le joueur est ainsi assailli de vidéos qui affirment l’éthique janséniste qui conditionne son succès, une culture de l’effort et du sacrifice de soi habité par l’esprit de compétition. Au simple regard se substitue une pratique servant l’utopie progressiste du sport en général, tout en déployant sa complexité et sa richesse propres. Pour le plus grand plaisir des connaisseurs, le jeu transpose toutes les facettes du MMA : combat debout, saisies, projections, combats au sol, transitions et esquives, aspects stratégiques. Mais ce qui le rend plus intéressant encore dans sa visée politique (que ce soit pour les néophytes ou les fans), c’est l’introduction des nouveaux modes « Pride » (tournoi populaire japonais aujourd’hui disparu) et « Ultimate » (qui permet de faire participer aux combats d’anthologie de la discipline, avec à la clé la possibilité de revoir les originaux). Deux modes par lesquels le jeu affiche pour la première fois la possibilité d’une conscience collective du MMA comme évènement sportif.
Cette possibilité de concevoir et reproduire l’évènement sportif constitue le supplément essentiel au succès de toute simulation de sport médiatique, dont l’entreprise est de relier l’intime et le collectif, l’imaginaire et le réel, le jeu vidéo et le télévisuel. De sorte que l’idée à l’oeuvre dans les combats d’UFC undisputed (mais c’est aussi le cas des matches de FIFA, NBA 2K et consorts) n’est pas tant de produire une simulation sportive que de simuler sa représentation télévisée, voire la sublimer. Dans le cas d’UFC 3, le choix des caméras et l’habillage (entrées sur le ring, commentateurs etc.) permettent de combler le fantasme d’une représentation, au-delà du possible et donc totale, du spectacle de dégradation des corps poussés par l’effort, soumis à l’impact et la violence des coups (comme la série des Fight night round, UFC propose la modélisation la plus poussée des corps et des visages).
En définitive, il est difficile de ne pas se sentir prisonnier face à un tel déploiement d’effets singeant le réel à l’excès. Mais il subsiste malgré tout un mince espoir de reconquérir sa liberté de joueur, qu’il faut formuler comme une hypothèse. Cet espoir est qu’après tout l’apprentissage pour incorporer les bons gestes et le bon timing, l’improvisation et le talent aient enfin leur part dans le jeu, et que, par-delà la simple donnée de ses règles, l’entrain et la grâce viennent transcender la logique de fermeture du jeu. Qu’à l’instant où l’intensité du combat est à son maximum, le joueur puisse être récompensé par une technique et produire un geste digne des plus grands. A l’adresse de ceux qui ne se contentent pas juste du résultat mais aussi de la manière, et à ceux qui désireront, au-delà de ses effets de surface, saisir toute sa profondeur, voici l’enjeu véritable d’UFC undisputed et de la simulation sportive, touchant encore à ce que l’on nomme la glorieuse incertitude du sport : devenir le palimpseste sur lequel le joueur, habité par la mémoire de ce qu’il a vu, fait basculer son histoire, aussi dérisoire soit-elle, et sur lequel l’Histoire réécrirait sa vérité, toute aussi palpitante et potentiellement tragique.