Rarement un jeu n’aura fait couler autant d’encre. Il y a presque une « affaire Turok evolution » qui fatalement finissait par piquer notre curiosité. Daube immonde ou Halo-killer, les avis ont rarement été aussi partagés. Il faut dire que si Halo a fait énormément de bien aux FPS sur consoles, il a aussi donné beaucoup de fil à retordre à ses successeurs potentiels sur Xbox. Difficile de passer après une réussite aussi éclatante et tous les FPS destinés à la console de Microsoft souffriront forcément de la comparaison. Le problème, pour ce nouvel opus de la saga Turok qui s’est épanouie sur N64, c’est que le petit jeu comparatif est in fine complètement accessoire. Non, Turok n’arrive pas à la cheville de Halo. Réalisation bancale -multiportage oblige, sans doute-, IA pour le moins discutable, maniabilité un peu moins souple. Pas besoin de sortir de polytechnique pour se rendre compte qu’on ne joue pas dans la même catégorie. Ceci étant dit, Turok evolution aurait pu se contenter d’une place de challenger tout à fait acceptable. C’était sans compter le zèle des développeurs qui ont fait deux terribles erreurs. Le genre d’erreur qui peuvent vous transformer un honnête petit jeu en calvaire insurmontable.
Première faute : après un premier chapitre un peu mollasson au cours duquel le joueur doit trouver ses marques dans une jungle pauvrette plus proche du jardin potager que de la forêt amazonienne, les développeurs se sont mis en tête de justifier l' »évolution » du titre en proposant un shoot à dos de ptérodactyle à la Panzer dragoon. Si l’opportunité de chevaucher un dinosaure volant neurasthénique et lourdingue vous tente, si les mouvements traîtres d’une caméra capricieuse qui vous précipite contre les rochers ne vous rebute pas, si recommencer 15 fois le même niveau n’use pas votre patience, alors Turok evolution est fait pour vous. Hélas, pour toute personne normalement constituée, c’est un cauchemar à se bouffer le joypad. Un intermède interminable, une étape inévitable avant de revenir à un gameplay plus plan-plan mais quasi salvateur lorsqu’on a goûté aux « joies » d’un crash-test permanent. La suite est-elle donc une délivrance ? Malheureusement, non. C’est encore pire.
Après cet entracte diaboliquement ennuyeux, le jeu semble enfin prendre sa vitesse de croisière, avec du gros FPS qui tâche, un environnement plus agréable pour la rétine, et des adversaires un peu moins stupides. Hélas, les développeurs, qui n’ont décidément vraiment pas envie qu’on joue à leur jeu, ont opté pour un système de sauvegarde préhistorique. Pas de checkpoint, des niveaux très longs. On meurt, on recommence tout depuis le début. Les lézards bipèdes, les Slegs, que vous affrontez, sont évidemment des putains de tireurs d’élite qui vous dégomment à 300 mètres et qui vous poursuivent sur des kilomètres pour vous achever lorsque vous battez en retraite. Bref, c’est déjà chaud à la base mais avec ce système de sauvegarde, on finit par bouillir de frustration. Turok evolution est le jeu idéal pour tout hardcore-gamer acnéique qui voudrait se la péter. Non pas qu’il faille être particulièrement doué pour finir le jeu –Halo était autrement plus difficile-, il faut juste avoir énormément de temps à perdre et un gigantesque sens de l’abnégation.
C’est à se demander ce qui a bien pu passer par la tête des concepteurs et game-designers du jeu. Faut-il être crétin des alpes pour laisser passer une occasion pareille ! Turok, c’est la quintessence même du FPS : scénario débile, inexistant, décousu, argument de départ improbable. Incarner un peau-rouge envoyé dans une dimension parallèle pour blaster du dino et des lézards humanoïdes au lance-roquettes, ça n’arrive pas tous les jours. A ce niveau de déception, ça n’est même plus un ratage, c’est du sabotage pur et simple.