Rares sont les compositeurs de jeu vidéo pouvant se targuer d’une incroyable popularité auprès de leurs fans. Nobuo Uematsu, Masashi Hamauzu, Kumi Tanioka ou encore Hitoshi Sakimoto sont pourtant de ceux-là. A coup de partitions, ces artisans de la musique ludique ont forgé le caractère de l’inénarrable saga Final Fantasy depuis ses débuts en 1987. Pour toute une génération de joueurs, ils ont bâti des cités d’or, enchanté des monts obscurs, mystifié des pèlerinages fantastiques. Bien plus qu’un simple hommage rendu, Theatrythm Final Fantasy : Curtain Call est un sanctuaire à leur gloire auprès duquel les passionnés viennent se recueillir.
L’objet relève même du fantasme de collectionneur fanatique. Deux-cents onze pistes (sans les DLC) qui ont marqué la saga aux cristaux sont jouables dans ce jeu de rythme facile à apprendre, difficile à maitriser. Pour cette seconde et dernière compilation portable, Square Enix fait enfin honneur à son monstrueux patrimoine en blindant la cartouche. Des cantates perçantes des boss de fin aux morceaux jazzy de Lightning Returns en passant par le style plus mélancolique d’un Crisis Core, Curtain Call assemble un généreux patchwork All-Stars d’OST déjà cultes. Il fallait pourtant veiller à l’équilibrage d’une telle entreprise. La facilité aurait été de reléguer les épisodes qui ont connu un succès moindre et de se contenter d’un fan-service bêtement capitaliste comme le J-RPG sait si bien le faire. Si Final Fantasy VII compte évidemment plus de pistes que ses congénères, la playlist reste dignement répartie, jusqu’à intégrer Mystic Quest ou Final Fantasy Tactics dans l’équation. Le spectre est grand, les souvenirs aussi.
Doté d’un répertoire aussi exhaustif, Curtain Call a inévitablement des airs de machine à remonter le temps. Mu par la même solennité candide qui anime les soirées autour de l’album photo familial, le joueur se voit piégé dans un roller-coaster qui tente de raviver les flammes d’émotions passées, forcément atténuées par le temps qui passe. Nostalgie, frissons et gloire se nourrissent, se diluent, s’affrontent au fur et à mesure que Curtain Call fait ressurgir les rémanences d’antan. Et ça prend.
Grâce à son gameplay simplissime mais impeccablement orchestré, Curtain Call parvient à embarquer le joueur tantôt dans sa frénésie destructrice, tantôt sur son ilot de douceur. Comme son ainé, le jeu est effectivement partagé entre les musiques de combat, les mélodies plus « moody » et les pistes orchestrales en grandes pompes illustrées de cinématiques. La grande et bienvenue nouveauté de cet épisode étant le choix de l’input, soit au stylet traditionnel, soit grâce aux touches physiques. Plus besoin de tenir la console à une main ou de la matraquer lors des pistes de haut niveau. L’autre ajout agréable de cette version est la présence d’un vrai mode online, qui invite à communier en musique autour de l’autel Final Fantasy. Une façon de faire vivre la mémoire de la saga à travers les joutes qui ont fait son sel.
Même plus largement, tout est réalisé de façon à ce que Curtain Call devienne un édifice durable à la gloire de Final Fantasy : les DLC (personnages et musiques) sont déjà en route, et le potentiel d’expansion de la playlist ne semble connaitre aucune limite. Le palais groovy et dansant de Curtain Call est condamné à s’élargir au rythme de l’engouement des fans, pas près de faiblir. Car derrière sa direction artistique cartoon douteuse, Theatrythm joue une comédie musicale puissamment cadencée, supportée par une longue accumulation de réminiscences qu’elle fait rejaillir gaiement. Rarement un artefact du présent n’avait su si bien employer le passif émotionnel.