Naturellement, vu le succès d’Age of empire, la suite s’imposait. Et comme pour signifier son intention de revoir ses ambitions à la hausse, Ensemble Studios rallonge significativement l’espace-temps du jeu : le joueur n’a plus grand chose à attendre de l’Empire romain, soit, offrons lui un millénaire ! Ce que représente approximativement les quatre ères du Moyen Age qu’on revit ici sou la férule de William Wallace -le didacticiel, parfaitement conçu-, de Jeanne d’Arc, de Barberousse, de Saladin et de Gengis Khan que l’on incarne dans chacune des campagnes. Du coup, le joueur est amené à côtoyer 13 civilisations historiques aux spécificités plus ou moins diverses et variées. Les Francs, les Chinois, les Mongols, les Celtes, les Viking, les Teutons… Gaffe, on est quand même pas dans Starcraft : The Age of kings (AOK) a choisit la réalité historique des hommes, les distinctions entre les peuplades découlent simplement des coutumes et des cultures locales. Les Japonais ont leurs Samouraïs, les Turcs profitent des Janissaires, ce corps d’élite constitué d’esclaves arrachés de leurs foyers et durement entraînés aux métiers des armes. Notre histoire vous dis-je.
Rappelons brièvement que le principe du genre consiste à développer et défendre sa civilisation tout en combattant les autres. Ici comme ailleurs, l’évolution passe immanquablement par la collecte de ressources, de matières premières si vous voulez. On en compte quatre : le bois, l’or, la pierre et la nourriture (champs, pêche, chasse). Pour se faire, il suffit d’indiquer aux villageois, véritables grouillots de services, les quelques lieux d’extraction repérés aux alentours. Et là, premier conseil : les ressources étant souvent éloignées du village -c’est même plutôt fréquent honnêtement-, n’omettez surtout pas de bâtir des carrières pour éviter les longs et vains allers-retours des villageois. Ainsi qu’un marché pour équilibrer régulièrement les stocks en achetant les matières premières manquantes et pour commercer avec les alliés. Comprenez bien que le temps vous est compté car les ennemis s’acharnent eux aussi à gonfler leurs armées, à découvrir de nouvelles technologies, à bâtir une économie florissante…
Dans un premier temps, il s’agit de mettre en branle un semblant de village en construisant vos bâtiments. Un forum pour stocker les ressources et créer de nouveaux villageois ; des habitations pour accroître votre capacité d’accueil. Vite, maintenant créez des bâtisses militaires pour développer l’infanterie, la cavalerie et les archers. Avec un atelier de siège, immanquable, vous bénéficiez de tout l’attirail de destruction des constructions ennemies. Le bélier, le mangonneau, le scorpion et la balistique font effectivement très peu de cas des remparts et des châteaux. En revanche, ces unités sont vulnérables… protégez-les. Choisissez selon le type d’attaque la bonne formation des troupes. Ne sous-estimez pas l’utilité d’un monastère. Non seulement le moine soigne vos unités blessées, mais qui plus est il convertit les adversaires (voire carrément des bâtiments lorsqu’il gagnera en puissance), et les fait rejoindre vos troupes !
Reste les ports. Parfois, il faudra traverser les fleuves et les mers, soit pour rejoindre une ville alliée, soit pour dénicher de nouvelles ressources (bien entendu, celles-ci viennent à manquer avec le temps…). La flotte n’est pas seulement un gentil moyen de transport, les navires sont aussi, à l’occasion, d’exceptionnelles unités d’attaque. Tout ce beau monde évolue au fil des ères. Dès que possible, passez de l’Age sombre à l’Age féodal. Puis à l’Age des châteaux. Votre civilisation sera à son apogée que lorsqu’elle atteindra l’Age impérial pour se familiariser avec de nouvelles sciences et technologies. Oui, AOK à parfois des airs de Civilization et, ma foi, c’est plutôt bien vu. Chaque période offre son paquet d’upgrades (attaque et protection des unités, capacité de stockage des carrières, renforcement des bâtisses et des remparts, etc.) pour progresser en douceur et éviter ainsi les problèmes d’anachronisme entre les peuplades. Excellent.
Une autre originalité du jeu réside dans le fait que les campagnes sont composées de missions distinctes. Tantôt vous débutez la partie avec une ville déjà à votre disposition (c’est le cas de la mission au cours de laquelle Jeanne d’Arc doit défendre Orléans contre les attaques britanniques), tantôt vous partez de zéro et devez ériger un campement sur les terres sauvages. Quant aux missions proprement dites, ça va de l’anéantissement total de l’ennemi en passant par l’escorte d’une personnalité, la destruction d’un bâtiment en particulier (en général, un château) ou encore l’assassinat d’un monarque (régicide).
AOK requiert continuellement toute votre attention. Usant à force, car les missions sont longues et les ennemis tenaces, y compris en mode « facile ». Mais c’est bien là tout l’intérêt du jeu qui affiche de surcroît un équilibre parfait dans les rapports de force. Ici, la pratique bourrine, habituelle dans ce type de jeu qui consiste à remporter la guerre dans un ultime assaut en regroupant toutes ses unités offensives, fonctionne difficilement, à moins de parier sur les alliances. Sans cesse, l’ennemi vient discrètement percer vos remparts de tous les côtés et il faudra dépêcher des unités ici et là pour stopper les agressions car les tours de garde ne sont pas suffisantes. De quoi fatalement disperser les troupes…
Difficile d’être exhaustif dans ce test, impossible de tout vous dévoiler tant le jeu, très riche, fourmille de détails cachés et de notions subtiles. Notons tout de même quelques options novatrices, comme le fait de pouvoir à tout moment repérer les unités inactives ou encore de sonner les cloches lors d’un assaut ennemi pour que l’ensemble des villageois éparpillés sur la carte puissent se rendre expressément à l’intérieur du forum en attendant l’accalmie. Une fois la bataille achevée, surprise : ceux-ci reprennent leurs activités précisément là où ils les avaient laissées. Pour couronner le tout, AOK profite d’une interface de jeu particulièrement intuitive et des graphismes incroyables : sans aucun doute, chacun des bâtiments a fait l’objet d’une attention particulière. Voyez donc la finesse d’une cathédrale gothique, d’une mosquée, d’un temple taoïste en 1280 x 1024. Quant aux parties réseau (jusqu’à 8 joueurs), elles promettent également de grands moments, notamment si vous faîtes bon usage de la diplomatie et/ou de l’espionnage…
Est-ce à dire qu’on atteint là la perfection ? Bien sûr que non. Sachez qu’en matière de loisirs le jeux vidéo est un domaine constamment perfectible. Exemple de faiblesses à revoir dans une suite éventuelle : l’intelligence artificielle des adversaires en partie solo (l’ennemi est tenace, on l’a dit, mais ses stratégies d’attaque sont finalement assez limitées). Les différents corps d’unités se ressemblent beaucoup. On aurait aimé, comme c’est la cas pour les bâtiments, une diversité graphique plus poussée. Plus grave enfin, l’écran se gèle régulièrement 2 à 3 secondes lorsque la carte compte trop d’éléments (bâtiment et unités). Questions de puissance de machine ? Même pas sûr…
Quoi qu’il en soit, on parlera tout de même d’un pas en avant réalisé dans le domaine du jeux de stratégie temps réel. Alors que Blizzard (Starcraft, mais Warcraft 3 ne saurait tarder…), Cavedog (TA Kingdoms) et Westwood Studios (C&C : Le Soleil de Tiberium) font du surplace, Ensemble Studios s’en sort plutôt bien. Pour sûr, on s’en lassera (quoiqu’en partie multiplayer, gageons que ce jeu ait véritablement de l’avenir), mais avec AOK, on a assurément de quoi entamer l’an 2000 sous les meilleurs auspices bellico-ludiques.