Tales From the Borderlands est un retour aux sources salvateur pour Telltale. On aurait presqu’oublié qu’avant le succès retentissant de The Walking Dead et le mystique The Wolf Among Us, nos conteurs californiens s’adonnaient volontiers à la bouffonnerie. Héritières de la fibre facétieuse de LucasArts, leurs lectures de Sam & Max et Wallace & Gromit ne leur avait pas permis d’émerger dans un contexte délétère pour le point & click. Les caisses remplies, la plume éprouvée, il est temps de se faire plaisir.
Quoi de mieux que les étendues dégénérées de Borderlands pour un voyage en absurdie ? Si les maladresses et la lourdeur d’écriture de Gearbox n’ont pas toujours permis de faire éclater tout le potentiel comique de son univers, les écrivains de Telltale s’emparent ici à merveille du lore très permissif de Pandore. C’est l’histoire d’un employé paumé et arriviste d’Hypérion – un marchand d’armes – qui rencontre une voleuse sans foi ni loi lors d’un deal fumeux, point de départ d’un vaudeville improbable. Malgré un départ assez poussif, Tales From the Borderlands adopte rapidement son rythme de croisière pour ne plus s’en éloigner. De comique de situation en comique de situation, le récit déploie son éventail clownesque de personnages et de répliques. C’est l’avantage de Telltale par rapport à Gearbox, celui de donner la parole à un univers qu’on ne percevait auparavant que comme un vaste champ de tir et d’explosions caustiques. Prendre le temps d’accorder de la « substance » aux antagonistes débiles profonds de Borderlands, c’est se donner la capacité d’en tirer leur essence burlesque. Ainsi, contempler ces anti-héros loosers se la jouer cool et supérieurs dans un univers aussi limité a des airs comico-pathétiques qui prêtent à sourire.
De réels faits d’arme il y en aura pourtant. Plus encore qu’un épisode de The Wolf Among Us, Tales From the Borderlands est porté sur l’action et donc les QTE, jusqu’à se prendre pour un film d’action hollywoodien à grands renforts de pistes puissantes et de situations périlleuses à moto. On esquive, on dézingue, sans réelle sensation de puissance mais avec un rythme réglé au cordeau qui nous colle à l’écran. Quand on croit que la situation s’essouffle, on se retrouve propulsé aux commandes du second personnage et la musique reprend de plus belle. La mise en scène étonnamment soignée vient souligner cet état extatique d’emballement mis au service d’un pur divertissement de quelques heures. Dans ce premier épisode, tout est affaire de tempo.
Pour cadencer justement les dialogues, Telltale a la géniale idée de désamorcer le poids des choix en faisant comprendre d’office aux joueurs que les protagonistes principaux sont hors de danger. Si les décisions sont un peu plus cosmétiques encore que dans leurs précédentes œuvres, c’est pour que le joueur fonctionne davantage à l’instinct et non à la réflexion, afin d’accélérer les dialogues. Il faut que ça fuse, que ça balance, que ça persifle. Pris dans un tourbillon d’impulsivités, on est incité à être acteur, à notre tour, de ce flot incessant. Peu importe le choix dans le fond, pourvu qu’on insuffle une continuité, qu’on participe à ce beau bordel qui nous entraine on ne sait trop où. Tales From the Borderlands se fout globalement de nos calculs, des répercussions. Il est hors de contrôle. Il faut simplement que le joueur s’insère dans ce vortex de conneries et batte la mesure.