Aaah, Photoshop… Qui n’a jamais succombé à un enthousiasme débridé en ouvrant pour la première fois son menu de filtres ? Solarisations, flous gaussiens, mosaïques en cascades, etc. On s’emporte, on s’emballe, et cinq minutes plus tard, le portrait de tata Gertrude n’est plus qu’un maelström de couleurs éclaboussant l’écran. Certes, c’est affreux, mais ne soyons pas trop dur avec cet attentat artistique : le plus puissant des outils de retouche photo n’est jamais qu’un jouet entre les mains du néophyte. Et un jouet, ça se tripote, jusqu’au moment où on le casse. Alors, est-ce la gestuelle enfantine du stylet, la bizarrerie du micro ou la nostalgie du double écran Game&Watch qui aura poussé Tose à prendre la DS comme on ouvre un coffre à joujoux ? Gageons que la faute est partagée. Avec Super Princess Peach, ce développeur discret se montre en tout cas très attentif aux fonctionnalités du hardware en utilisant le stylet (et même le micro !) pour dépoussiérer un jeu de plates-formes classique. Malheureusement, tous les gadgets du monde ne sauraient le sauver de fondations branlantes.
Que resterait-il de Peach, une fois débarrassé de ses gimmicks, de ses clins d‘oeil en pagaille et de ses petites manies si attachantes ? Pas grand-chose, finalement. Le titre de Tose n’a rien d’autre à offrir qu’une bonne humeur évidente. Pourtant, il essaie : chacun de ses recoins fourmille de détails à l’attention du joueur curieux. Souffler dans le micro de la DS pour lancer des bulles avec son sous-marin, user la pointe de son stylet lors de petits interludes sans conséquences, dépenser des fortunes à la boutique de Toad… On pourrait en dresser l’inventaire, mais ça ne servirait pas à grand-chose. Trop lâche, trop dispersé, Peach vient à bout des meilleures intentions. Chaque niveau se parcourt d’un pas pressé, chaque écran nous confronte à une désagréable impression de déjà-vu. L’idée forte du jeu, qui permet d’affubler une émotion-minute à la princesse par le biais de l’écran tactile, n’a finalement qu’une valeur cosmétique. La joie nous donne des ailes, la tristesse nous fait fuir à toutes jambes, le calme apaise nos blessures. Autant de pouvoirs qui serviront la plupart du temps à résoudre des énigmes ineptes (pleurer pour détruire une barrière de sable, s’enflammer pour brûler un pont) et dont la solution s’offre sur un plateau. Pire, leur emploi force le joueur à une gymnastique fatigante (lâcher la console, prendre le stylet, reprendre la console) là où une simple pression de bouton aurait suffi. Malgré tous ses efforts et un univers très attachant, la robe de la princesse est bien mal ajustée et on cherchera en vain un peu de substance dans ses niveaux en papier crépon.
En cela, elle incarne le parfait négatif de New Super Mario Bros., petite horlogerie où tout est à sa place. Chiche en innovations, NSMB est avant tout l’expression d’un savoir-faire. S’y plonger, c’est retrouver un Nintendo concis, décisif, courbé sur son ouvrage comme un artisan zélé. En proie à une minutie maladive, les développeurs d’EAD ont pris le temps d’envisager chaque trajectoire du joueur pour bâtir leurs niveaux en conséquence. NSMB est donc un titre dont le level-design joue toujours avec un coup d’avance. Il n’est pas rare de se retrouver pris à contre-pied lorsque, au détour d’un saut qu’on pensait tout à fait sûr, un obstacle vient nous cueillir à l’arrivée. Certes, ce Mario n’a rien d’autre à offrir que la beauté du geste et tout ce qu’on y découvre, des Warp Zones aux vies supplémentaires, tiendrait presque du décoratif. Mais la voie qui mène à ces friandises est toujours irréprochable. Citons simplement les pièces rouges, dont la disposition au millimètre nécessite de suivre une trajectoire parfaite, mais toujours envisageable du premier coup. EAD avance, en pleine confiance, tournant le dos aux sirènes de la nouveauté ou aux impératifs du hardware. L’interface tactile, le micro, ce n’est jamais qu’une forme d’interaction. Ca ne remplace pas le travail, ça ne se substitue pas à la compétence. Dans le pire des cas, ça offre un refuge inespéré au développeur en panne d’inspiration, qui voudrait faire passer le premier gribouillage pour un pas de géant. A l’exception d’une gestion d’inventaire discrète, la quête principale de NSMB fait bien peu de cas de la palette DS. On ne s’en plaindra pas. Si l’histoire, chez Nintendo, a souvent su s’effacer devant le jeu, NSMB démontre, et de fort belle façon, que le jeu ne s’efface pas encore devant le geste.