Pas besoin de tergiverser pendant des heures : depuis quelques années, le genre du jeu d’aventures s’est pris un sacré coup de vieux, dépassé par d’autres ovnis plus ludiques. Les derniers râles de l’instigateur de nos premières transes pixellisées se font entendre : le p’tit gars Threepwood, enfin devenu adulte, s’est marié et se prépare à une retraite bien méritée tandis que Dracula 2 épuise le stock d’énigmes à gogo. C’était sans compter sur une bande d’extraterrestres déjantés bien décidés à accompagner le dernier souffle du papy des papys. Show must go on.
Encore diffusée massivement sur les chaînes hertziennes, la série « les Zinzins de l’espace » contient le matériel rêvé de tout concepteur en herbe. Quatre aliens aussi stupides que possible se sont méchamment crashés sur notre belle planète. Echoués dans une maison abandonnée, ils n’ont de cesse que leur navette spatiale soit réparée, histoire de retrouver leurs pénates le plus vite possible. L’affaire se complique lorsque Sakarine décide de récupérer ses magnifiques spécimens et d’en faire le fleuron de sa collection. Illico, le savant fou envoie à leurs trousses un chasseur de primes, répondant au doux nom de « Bolok ». S’ensuit une ribambelle de gags qui empruntent aussi bien aux Monthy Python grande époque qu’aux courants majeurs des cartoons, Tex Avery en tête. Entre les questions existentielles de Candy sur son homosexualité latente, et les envolées gargantuesques alimentaires de Gorgious, les concepteurs n’ont pas hésité à puiser dans un vivier généreux en blagues et autres drôleries, parfois d’un goût plus que douteux.
Stupid invaders démarre sur les chapeaux de roue et met le joueur aux commandes de Bud, grande larve orange polymorphe. Bolok vient de réfrigérer ses amis, il est donc grand temps que l’énergumène trouve une porte de sortie plausible et entame la libération de ses compatriotes. Le titre reprend dans les grandes lignes les recettes qui ont fait le succès de ses prédécesseurs : dans des décors précalculés, le héros évolue à la recherche d’objets nécessaires à la résolution d’énigmes aussi tordues que possible, permettant ainsi le passage à l’étape suivante. Rien de bien nouveau donc, si ce n’est la volonté affirmée de privilégier l’exploration de cet univers flashy et décalé aux dépens d’une herméneutique souvent trop soulignée. Exit l’indispensable livre de soluces, Stupid invaders ne requiert aucun diplôme spécifique et s’adresse à un public large. Oubliez les dialogues incompréhensibles et longuets, les maux de tête carabinés, et les allers et retours incessants entre deux points de la carte : ici, les devinettes ne sont plus que les points de passage obligés d’un scénario finement ciselé et riche en rebondissements.
A la manière de Dragon’s Lair, Stupid invaders prend la forme d’un gigantesque dessin animé interactif où les cinématiques ponctuent agréablement les phases connues d’enquête. La pesanteur du système de navigation (déplacement de curseur et gestion de l’inventaire) est rapidement oubliée, tant Stupid invaders atteint des sommets en matière de réalisation. Couleurs saturées, angles de caméra version Welles et bruits organiques sont les quelques ingrédients utilisés dans des décors très nombreux qui respectent à la lettre le monde particulier des « Zinzins de l’espace », entre gaudriole gauloise et ironie de haute volée. Pour les aficionados d’un humour plus fin, le jeu contient assez de clins d’œil pour oublier l’espace d’un instant les continuelles injonctions pétomanes des divers protagonistes. Au hasard des pérégrinations des héros, il sera ainsi possible de rencontrer des parodies de Möebius, Mars Attacks, sans oublier Bret Easton Ellis.
Au final, Stupid invaders réussit là où a échoué Monkey Island. Moins porté sur la résolution d’énigmes abracadabrantes, il préfère jouer la carte d’un humour franchement décalé au service d’une narration joviale et pêchue. De quoi passer de longues heures sur les quatre CD que comporte le jeu.