Devil may cry, God of war, Ninja gaiden, Madworld, Bayonetta ou le futur Castlevania, le beat’em-all semble en pleine forme. Tant que ça ? Oui et non. Les élus de ce name dropping sont d’abord les héritiers d’un genre. Ils sont la nouvelle école, impure, prenant racine dans le souvenir des Double dragon et autres Final fight. En tant que descendants, ils ont un peu du se prostituer pour évoluer. Technologie 3D, récits mieux scénarisés, introduction d’éléments venus de la plateforme, du jeu à énigme voire bac à sable, le beat est désormais transgenres (sans que ça pose problème). Bien qu’il se soit aussi adapté, un peu, à son époque, seul God hand a su récemment ressusciter l’âme du beat à l’ancienne. Le jeu de Mikami tenant d’une proposition radicale, presque anachronique (il obtiendra d’ailleurs surtout un succès d’estime). Si on fait donc le bilan, le beat’em all tel qu’il est né et s’est définit, apparaît aujourd’hui comme un vestige dont les plates-formes de DLC seraient le mausolée. Pourtant, qui n’a pas jubilé devant ces titres au plaisir redoutable et instantané qu’étaient Bad dudes vs. dragon ninja, Streets of rage ou Captain commando ? Capcom a, comme chacun sait, offert au genre ses titres de légende, désormais figés sur des compilations leur donnant le statut de classique.
Qu’est donc devenu le beat’em-all old school, avec son gameplay basique, ses architectures sommaire et son rythme ultra répétitif ? Est-il trop désuet pour survivre à notre époque ? Doit-il obligatoirement être réactualisé pour se faire aimer ? Sans doute (ou pas) comme le prouve étrangement et sans prévenir Spyborgs, fraichement démoulé sur Wii. Avec leur premier titre, le jeune studio Bionic Games signe un vrai beat’em all, à l’ancienne, se jouant aux poings, avec deux trois combos en magasin. On y aligne des successions d’ennemis arrivant par vagues, au fur et à mesure d’un bon vieux scrolling horizontal ressuscitant presque la 2D. Le gameplay est minimaliste, à peine diversifié par le choix de trois personnages, quelques agréments à la wiimote pour justifier la plateforme, et une jouabilité en binôme permettant de jongler d’un héros à l’autre en cours de jeu (ou bien de jouer en coop). Un parti pris étonnant pour un jeu à la genèse douloureuse (il a subi en cours de développement une profonde refonte stylistique) mais qui s’avère au final plutôt payant.
Au départ, Spyborgs se voulait une relecture décalée de ces dessins animés pullulant le samedi matin à la télévision américaine. Il optait pour une esthétique cartoonesque, hyper colorée, allant jusqu’à insérer sporadiquement des fausses pubs entre deux phases de baston (finalement abandonnées). A l’arrivée, le jeu conserve partiellement son allure d’animé pour moins de dix ans, mais dans un style délaissant le côté naïf pour un futurisme polymorphe plus proche des productions Capcom (ici éditeur) : on pense notamment à Captain commando, référence la plus évidente. Impossible de dire si on a perdu au change. En revanche, les développeurs semblent avoir pris ce revirement comme une occasion de rendre leur titre insituable. S’il paraît ainsi s’adresser à un public de préadolescents, la difficulté de Spyborgs et surtout ses racines, fortement ancrées au cœur d’un genre tombé en désuétude, le destine plutôt à une niche de gamers qui risque bien de ne pas lui prêter attention. On pourrait appeler ça un plantage commercial, marketing, de communication et peut-être même identitaire. Mais peu importe, Spyborgs est une jolie anomalie, rétablissant, presque en contrebande, des mécanismes qui n’ont rien perdu de leur efficacité. Il débarque tel un fantôme, traçant sa voie dans l’actualité du jeu vidéo sans se soucier des modes ou des attentes. Un peu suicidaires, les développeurs de Bionic Games se sont fait plaisir. Lançant leur jeu dans l’espoir qu’une ou deux âmes égarées croisent sa route. Vaguement crypté derrière ses airs de sous-produit pour kids, Spyborgs n’est peut-être qu’un hommage à une époque continuant à briller d’un éclat ne devant rien à la nostalgie.