Que peut-on encore attendre de Sonic ? Après avoir tenté l’impossible (le dérapage romantico-zoophile de Sonic the hedgehog en 2006), le grotesque (Shadow the hedgehog et son gros flingue) ou l’absurde (Sonic kiffe la vibe sur son snowboard), l’ex mascotte de Sega est un peu comme une ancienne prom-queen qui aurait mal tournée. Celle dont l’âge toujours plus avancé scelle l’inéluctable déliquescence et dont l’existence, passé la cinquantaine, se résume à un nom écrit en gros sur une étagère de porno direct-to-video.
Pilotes joliment différenciés, conduite tout en dérapage, dualité des items offensifs/défensifs, level design à tiroir… Disons le tout net : Sonic & Sega all-stars racing récite par cœur la grammaire du petit Mario kart, mais y soustrait l’essentiel : aux stratégies les plus fourbes et alambiquées du titre de Nintendo, il ne garde que le minimum : quelques missiles à tête chercheuses, un bouclier défensif et des boosters disséminés un peu partout. Les développeurs se sont déjà exprimés sur le sujet: les objets ont été rajoutés après la conception du pilotage. Le résultat est incontestablement bancal : Sonic & Sega all-stars racing ne parvient jamais à trouver cet équilibre dans lequel les stratégies d’attaque et de défense sont intimement liées au pilotage au point d’en devenir indissociables. Il rate cette synergie qui canalise Mario Kart, dont la conduite est digérée au sein d’un système ludique plus global et inépuisable. Ici, seuls les talents de pilotes peuvent décider de l’issu d’une course et dans une telle perspective, la possibilité de désactiver les items, sonne comme un aveu d’échec.
Derrière cette semi réussite, il y a Sumo Digital, développeur besogneux spécialisé à jouer les développeurs de second rôle sur de petites série B (les adaptations console d’OutRun 2), mais dont l’absence d’ambition offre un cadre idéal pour la reconstruction du hérisson bleu. En dépit de ses nombreuses lacunes (canevas matriciel un peu rugueux, alternance entre le beau et le laid, tracés souvent paresseux et collisions approximatives), Sonic & Sega all-stars racing prend le temps de se construire. Il pose le socle d’un système de jeu solide, compose un rythme souvent exaltant et s’ouvre sur une marge de progression suffisamment solide pour maintenir son intérêt sur la longueur.
Ecartons d’emblé le côté « patchwork Sega » de l’entreprise pour annoncer une vraie bonne nouvelle : Sonic & Sega all-stars racing signe une nouvelle ère pour l’ex et future mascotte de Sega, moins tonitruante, mais dont la modestie attire forcément la sympathie. Délaissant le Rock FM médiocre et les univers apocalyptiques, le Sonic nouvelle formule amorce un retour aux sources sur fond de crise identitaire. Et plutôt que de foncer droit dans le mur, il privilégie la course de fond, avance à pas lent, mais sûr. Désormais, l’enjeu n’est pas tant de contrer Mario que de s’épanouir pleinement quitte à jouer les seconds couteaux. Et peu importe si ce Sonic là reste condamné au rôle de sous-produit idéal, il peut tout de même se vanter d’avoir retrouvé un peu de sa superbe. Le grand Sonic n’est peut être pas encore de retour, mais c’est déjà un très net progrès et une véritable réinsertion sociale.