Happy Birthday Sonic. Sonic generations est le cadeau qui vient couronner vingt ans d’existence du hérisson bleu. Sous le masque d’un cadeau fait à la mascotte de Sega, il se destine naturellement, comme le récent Sonic 4, à ses fans. Ceux-ci se rappellent encore avec émotion de leurs premiers pas sur la « Green hill zone » de Sonic the hedegehog sur Megadrive, à l’époque où le jeu était le parfait représentant de l’asservissement grisant du joueur dont Sega défendait l’idée, jusqu’à son fameux slogan « Sega, c’est plus fort que toi ». A la limite d’une perte de contrôle fatale mais toujours provoquée, Sonic épousait l’articulation du désir de vitesse du joueur (accélération du scrolling) au risque d’une chute ou d’une collision fatales, à la manière d’une partie de flipper dont il reprenait trivialement l’esthétique (boule, rails, bumpers…).
De ce principe d’équilibre instable, Sonic generations en fait l’enjeu d’un débat entre Anciens et Modernes. Il fait se succéder deux manières de jouer au cours des niveaux qui reprennent les chapitres emblématiques des épisodes passés. A la manière classique, issue de la plateforme traditionnelle, succède la moderne, dont l’avènement survint à l’époque où, lancée par la génération des consoles 32 bits, la 3D devenait le nouveau dogme vidéoludique. A ce jeu, il faut dire que c’est le moderne qui triomphe, animé d’une richesse et d’une folie que n’ont pas les nivaux en 2D. Mais ce triomphe, logique, ne dénigre pas tant l’Ancien qu’il en prolonge la grandeur. Il est à l’inverse de Mario 64 qui fit basculer la plateforme vers la profondeur et le champ d’un espace à explorer sans la contrainte du plan. Chez le Sonic moderne, le jeu est encore le produit de la contrainte heureuse de l’espace par la cinétique de l’ancien qui y demeure intacte. Le joueur est encore guidé par le jeu selon l’ivresse de trajectoires fixées par des rails ou des circuits, de sorte que Sonic témoigne dans ses itérations modernes de ce qu’il fut par le passé.
Si l’hommage est beau et soigné, il met aussi en évidence tout l’enjeu du passage à la modernité pour le jeu vidéo. Cependant, et contrairement à ce que le jeu laisse penser, il serait trop beau de penser que cette rupture fut immédiate et facile. Dans son anthologie des épisodes passés, Sonic generations passe ainsi sous silence les épisodes sur Saturn – Sonic 3D blast et Sonic R -, témoins d’une génération maudite qui ne sut répondre à l’exigence d’ivresse des joueurs de Sonic : le premier, en 3D isométrique, annihilant l’ivresse de la vitesse et l’accélération par son choix de perspective, et le second, jeu de course contraignant le joueur à emprunter des lacets, bien loin de l’idée de voir le hérisson baladé dans tous les coins de l’espace. On pense aussi à Sonic X-treme, prévu pour être la réponse au Mario 64 de Nintendo et au Crash Bandicoot de Sony, qui finalement ne vit jamais le jour, suite à un développement calamiteux. En témoigne enfin la galerie de personnages qui peuplent Sonic generations, révélateurs des velléités infructueuses de Sega de renouveler sa propre mascotte. De ces échecs, nous savons aujourd’hui qu’ils furent emblématiques de celui de la Saturn, échec qui porta lui-même la chute de Sega, et dont la Dreamcast fut le magnifique chant du cygne. Anniversaire et esprit de fête obligent, Sonic generations omet de dire combien le passage à sa propre modernité fut, en vérité, douloureux et tragique.