Konami file un mauvais coton. Après ZOE « par le créateur de Metal gear solid », voici Shadow of memories « par une partie de l’équipe de Silent hill ». Deux jeux qui se servent de l’image de marque de deux grands classiques, mais qui n’arrivent pas à leur cheville. Deux déceptions en fait. C’est bien beau de vouloir nous allécher, mais après il faut assurer le minimum syndical.
Le jeu a au moins un mérite, c’est son pitch, original, retors, captivant : Eike Kush est un jeune Allemand -grand, blond, coupe de cheveux ringarde à la AB prod., encore plus mal fringué que le Ryo Hazuki de Shenmue- qui se fait lâchement assassiner en pleine journée d’un coup de poignard dans le dos. L’histoire aurait pu s’arrêter là, et Shadow of memories aurait pu remporter le championnat du jeu PS2 à la durée de vie la plus courte. Heureusement, une mystérieuse créature androgyne répondant au doux nom d’Homunculus décide de le ressusciter et de lui accorder une seconde chance. Grâce au Digipad que lui a gracieusement offert le clone de Brian Molko, Eike peut voyager dans le temps et trouver un moyen de différer son assassinat. Retourner une heure avant l’instant fatidique, par exemple, et rassembler le maximum de témoins sur le lieu du crime pour refroidir les ardeurs du tueur… du moins pour un temps. Le pauvre Eike va effectivement devoir subir un nombre incroyable de morts violentes, diverses et variées. Avant d’être ramené à la vie, contraint d’aller dans le passé pour trouver une échappatoire à son destin. Précisément en 1580, 1902 et 1980, trois époques étroitement liées avec les motivations de l’infortuné meurtrier, condamné à perpétuellement rater son coup.
Le jeu est ainsi divisé en 10 chapitres, chacun d’eux correspondant à une tentative d’assassinat qu’il faut faire échouer en résolvant des énigmes de plus en plus tordues. Au cours de vos pérégrinations spatio-temporelles, vous découvrez que votre assassinat est lié à d’obscures affaires d’alchimie, d’enlèvement d’enfant et de complots qui resurgissent d’un passé proche et lointain. Un scénar mitonné aux petits oignons donc, mais qui contraint le joueur à ne pas dévier d’un chemin préétabli, complexité de l’intrigue oblige.
Passe encore que le jeu soit linéaire, c’est presque inhérent au genre. Là où le bât blesse, c’est qu’il est composé presque intégralement de cinématiques au cours desquelles le joueur reste inexorablement passif. Et dès que l’occasion de reprendre le joypad en main se présente, les choses se gâtent : Shadow of memories ressemble à un Shenmue atrophié, sans cette notion de temps qui passe, sans possibilité de digression, sans cette impression de vie qui faisait tout le sel du chef-d’œuvre de Yu Suzuki. Les rues sont vides, les bâtiments à visiter se comptent sur les doigts d’une main, Shadow of memories transpire parfois l’ennui, surtout lorsqu’il se fait moins dirigiste, hélas.
Dommage, le jeu bénéficiait d’une direction artistique exemplaire. Les trognes angoissantes des personnages, les changements de teintes des décors selon les époques, la magnifique intro, un assemblage de détails qui servent à merveille l’ambiance du jeu. Certes, techniquement, il faudra encore revoir sa copie : jaggies en veux-tu en voilà, personnages encore un peu trop polygonaux, textures des décors parfois franchement indigentes. Ludiquement et techniquement inabouti, beaucoup trop court malgré le système cache-misère des fins multiples, Shadow of memories pourra éventuellement être envisagé comme un superbe film interactif de 4-5 heures. Mais 400 balles le film, même interactif, c’est un peu cher…