Ca devait arriver, à force de s’autoplagier à longueur de licences, Capcom a fini par se faire pomper dans ses grandes largeurs. Par le multi-récidiviste Tecmo qui, sous couvert de ressusciter un titre vieux d’une quinzaine d’années, Rygar, nous a finalement pondu un beat’em-all / aventures agrémenté d’un zeste de plates-formes qui louche dangereusement du côté de Devil may cry, Onimusha et consorts. On devrait en toute logique s’en offusquer, d’autant qu’on n’a pas été particulièrement tendres avec les dernières productions Capcom. Pourtant, il y a quelque chose qui attire irrémédiablement la sympathie chez ce Rygar « revisited ». Non pas que l’élève ait particulièrement dépassé le maître -si tant est qu’il y ait quoi que ce soit à dépasser. Mais une fois débarrassée des attitudes poseuses du Dante de Devil may cry, de l’univers gothico-plan-plan et de la prétention de vouloir révolutionner le genre, la formule retrouve une partie de sa séduction première. Tecmo copie honteusement le voisin, certes, mais il le fait avec un indéniable talent, en creusant plus profondément encore sous les racines du beat’em-all, tout en respectant à la lettre les règles qui ont présidé à son renouveau.
Rygar, c’est donc ce gladiateur glabre et huilé là où il faut, armé d’un ustensile bizarre, le Diskarmor, un bouclier relié à une chaîne, qu’il lance comme un yoyo pour charcuter les improbables bestioles qui lui barrent la route. Ce joujou étrange mais assez jouissif à manier est l’emblème qui symbolise quasiment à lui seul la série. Série qui, par ailleurs, se vautre allègrement dans le peplum-manga le plus décomplexé. Un grand fatras mythologique gréco-romano-égyptien, au bestiaire décalé et aux décors pompiers. Il ne faudra donc pas s’étonner de voir le fantôme de Cléopâtre s’associer aux Titans pour se venger de la mort de son fils Cesarion qui n’est autre -attention, le syndrôme Star wars a encore frappé- que notre musculeux et virevoltant héros en personne. En attendant le grand virage grosse déconne de Capcom, qui s’annonce assez savoureux -Jean Reno panouillant virtuellement dans Onimusha 3, ou Dino crisis 3 dans l’espace-, Tecmo a joué la carte du scénar’ improbable et du contexte décontracté. Pas de quoi refroidir un historien, de toutes façons, l’important c’est d’assumer jusqu’au bout. Et de ce point de vue-là, Tecmo assure, grâce à une réalisation orgasmique à peine entachée par un poil d’aliasing. Rygar : The Legendary adventure est non seulement d’une beauté insolente, mais il réalise aussi l’exploit de restituer l’indéfinissable poésie old-school des titres d’antan sans tomber dans la nostalgie réac’.
Souffrant d’une légère mollesse d’action et d’une certaine raideur niveau maniabilité, le jeu de Tecmo ne parvient pas tout à fait à se hisser sur les plus hautes marches du podium. D’abord c’est, une fois de plus, beaucoup trop court : 6 heures à tout casser. Et pas vraiment ardu en mode normal si on fait l’impasse sur deux ou trois boss dantesques… Ensuite, le système de caméra fixe gâche un peu la fête, surtout lors des phases de plates-formes. Néanmoins, Rygar est un des rares jeux de ce type actuels à s’assumer avec une rare décomplexion comme une oeuvre vidéoludique à part entière, principalement du point de vue esthétique. Pas de pseudo-réalisme cinématographique, peu de cut-scenes envahissantes, rien qui vienne parasiter la beauté junk-culture du titre, ce mauvais goût flamboyant propre aux jeux vidéo. Alors évidemment, The Legendary adventure ne peut pas vraiment prétendre au même statut de mini-mythe que son glorieux prédécesseur. Souhaitons néanmoins à beaucoup d’antiquités ludiques de connaître une renaissance aussi classieuse…