La fonction de testeur de jeu ne s’apparenterait qu’à un service conseil-conso, on aurait énormément de mal à juger Rez, dernier avatar de la Dreamcast passé chez l' »ennemi », après les excellents Ecco the dolphin et Headhunter. Deux gros hits dont le portage sur la PS2 pourrait presque faire office de séance de rattrapage. Du genre « regardez ce que vous avez loupé sur la regrettée 128 bits de la firme au hérisson bleu ». Indubitablement, Rez n’a pas le même potentiel commercial que ses deux collègues. C’est un ovni, une petite chose bizarre, très fortement marqué arcade, genre dont on sait qu’il passe difficilement le cap de la console de salon. Avant de sombrer dans l’enthousiasme intellectualo-artistique, mieux vaut prévenir la foule prompte à se jeter sur les grosses prod’ qu’on l’oblige à aduler (Devil may cry, Metal gear solid, etc.) : Rez n’est pas un jeu pour tout le monde… surtout à ce prix-là. La raison, sans doute, pour laquelle il s’est pris quelques descentes bien senties dans la presse spécialisée.
Mettons de côté les basses considérations financières et l’indiscutable bizarrerie du soft. Rez est un jeu fabuleux. Court, surtout pour ceux qui n’ont pas l’esprit de complétion propre à l’arcade -améliorer son score, débloquer une pléthore de modes alternatifs- mais original, fascinant, intuitif et visuellement bluffant. Bien qu’on l’ait abusivement assimilé au genre « musical », Rez est en fait un bon vieux shoot. Voire un « anti-shoot ». Vous dirigez un hacker infiltré dans les arcanes d’un système informatique qui est fermement décidé à ne pas se laisser pénétrer aussi impunément. Il s’agit donc de détruire tout ce qui passe devant l’écran mais pas forcément de smasher frénétiquement sur le bouton de tir -quoique, dans la frénésie de l’action, c’est un peu ce qui finit par se passer. Il faut faire glisser un viseur, le doigt appuyé sur la gâchette, sur les unités ennemies qui ne seront détruites qu’une fois la pression relâchée. Sachant que le viseur peut locker jusqu’à 8 adversaires maximum. Un gameplay relativement simpliste, l’aspect « musical » du soft se bornant à la présence d’une musique de fond sur laquelle viennent se plaquer une multitude de rythmiques dissonantes provoquées par l’apparition des ennemis, le ciblage, les tirs, etc. Pas d’incidence directe sur le gameplay mais Rez se veut bien plus qu’un simple shoot technoïde, une expérience psychédélique, artistique et vidéoludique.
Viennent donc se greffer sur le son ambient un graphisme pour le moins inhabituel, à l’opposé d’une certaine tendance aux polygones en folie et textures bump-mappées. Un univers visuel qui rappelle Tron, immanquablement, les tout premiers jeux Star wars, voire les niveaux bonus de Wip3out. Navigant entre 3D filaire ou pleine, s’autorisant de temps à temps quelques rares textures, le tout regorgeant d’effets lumineux dignes d’achever n’importe quel épileptique un tant soit peu suicidaire. Une audace qui rappellera sans doute aux amateurs de musicals l’inoubliable Vib Ribbon auquel on ne peut s’empêcher de penser, ne serait-ce que pour le système d’évolution très proche du personnage à incarner. Sauf que… Vib Ribbon bénéficiait d’un atout imparable face à Rez : la possibilité d’utiliser sa propre musique pour profiter de niveaux supplémentaires créés aléatoirement. Une option qui aurait pu booster la durée de vie de Rez. Ainsi il faudra se contenter de refaire éternellement les cinq petits niveaux pour améliorer ses performances et débloquer quelques modes de jeu supplémentaire. De la bonne came pour hardcore-gamers endurcis. Pour le casual avide de rentabilité qui sommeille parfois en chacun de nous, en revanche…