Au début des années 90, l’illusion du tout multimédia battait son plein. Au 20 Heures, des universitaires présentaient fièrement leur visite virtuelle de la cathédrale de Chartres en full-3D, port du casque de réalité virtuelle obligatoire. Quelques quinze années plus tard, malgré le haut débit, la révolution numérique du tourisme n’a pas eu lieu. Aussi, il n’y a guère que le jeu vidéo pour démocratiser l’expérience des reconstitutions contextuelles ou historiques. Plus loin, il nous prouve sa capacité à ressusciter le temps d’un titre, un genre cinématographique mort et enterré. Et qui d’autre que Rockstar, proxénète futé de la culture Cosa Nostra, pouvait remettre en selle (et en sauce) le mythe du western spaghetti ?
Autrefois, limités par la technique, les faiseurs de mondes devaient jongler avec quelques pixels et une palette de couleurs basique pour faire admettre au joueur la référence à un univers. Aujourd’hui, non seulement les développeurs créent des reconstitutions fidèles et ludiques du passé mais ils peuvent aussi en singer la représentation cinématographique… jusqu’à la caricature jouissive du film bis. Mauvais genre ? Rockstar était pour ainsi dire prédisposé à l’inhumation du western italien des 70’s. Du générique morriconien jusqu’à l’interface poussiéreuse. De la petite ville de pionniers qui sert de fil conducteur entre les différentes missions jusqu’aux nombreux objets d’époque à acquérir pour tout débloquer. Tout l’emballage de Red dead revolver transpire le sable et le sang. Les personnages, quant à eux, rassemblent ce qu’il faut de mines patibulaires et crasseuses pour maintenir l’illusion d’un canyon-show bien éloigné de celui d’EuroDisney. En sus, le scénario bien que basique (on n’est pas dans Dead Man) brise sa linéarité par une habile multiplication des points de vue. Offrant ça et là des missions avec des protagonistes annexes, alliés ou ennemis du héros, le très eastwoodien, très orphelin et très rancunier Red. N‘empêche. Une reconstitution dont toutes les qualités convergent vers un authentique fun a besoin d’une monture à sa hauteur. Hélas, ici commence le désert, pied tendre. Reprenant presqu’au barillet près, le gameplay déjà vu/déjà joué de Kill switch et autre The Suffering, Red dead revolver peine à faire briller ses deux pépites d’originalité (le duel et le shoot à dos de buffle). Et de voir les promesses ludiques wild style à la Sam Peckinpah revues à la baisse, au niveau d’un quadrille avec Charles Ingalls. Avancer, tuer, avancer, tuer. Passée la découverte, on s’ennuie ferme sur le plancher des cowboys. Seule motivation, celle de suivre jusqu’au bout l’épopée cinématographique du beau Red. De quoi laisser un goût de sable à ceux qui voyaient dans Red dead revolver les promesses d’un nouvel Eldorado de la gâchette alors qu’il n’est, en réalité, qu’un play & watch de plus qui enfonce le clou de toutes ces productions aux gameplay interchangeables qui peu à peu transforment la PlayStation 2 en parc à thème. Bonne nouvelle quand même pour les développeurs : en 2004, l’ouest attend toujours sa conquête.