Que peut-on attendre d’une série qui a tout réussi du premier coup ? C’est, grosso modo, la question qui revient lorsque l’on se penche sur le cas de Ratchet & Clank : A Crack in time. Si la série d’Insomniac n’a jamais prétendue à une quelconque révolution, reconnaissons-lui un mérite, et non des moindres : elle s’épanouie pleinement dans sa nature de blockbuster, réussissant à atteindre cet idéal de divertissement, à la fois populaire et hautement recommandable.
Une première prise de contact et déjà une certitude : depuis l’épisode originel, rien n’a vraiment changé. Bien sûr, la formule s’est affinée, le rythme a gagné en maîtrise, la progression se veut moins frustrante et les histoires politisées (écologie et ultralibéralisme) des premières aventures ont été abandonnées au profit de thématiques inoffensives. Mais le canevas reste le même : sur fond de space opera faussement parodique, Ratchet & Clank emprunte l’imaginaire visuel propre au genre pour produire sa propre synthèse, redoutable d’efficacité. Au-delà de l’émerveillement de la découverte et des architectures monumentales, c’est surtout un mélange parfait entre plate-forme et shoot’em up qui emporte l’adhésion. Cette alchimie, Ratchet & Clank la doit au génial Jet force gemini (Rare-1999) duquel il retire l’essence même : l’arsenal. C’est le pilier de la proposition de Ratchet & Clank, celui dont les multiples humeurs composent un personnage à part entière. Puissant quand il décime les lignes ennemis avec un tir de roquette, malicieux avec ses effets boomerang prenant l’adversaire à revers, farceur parce qu’il peut transformer un petit groupe en boys band sous acide ou juste malpoli dès qu’il éructe à la figure, il est le moteur de cette mécanique implacable, justifiant à lui seul l’éternel carnage qui compose le tissu de la série.
Que dire donc de Ratchet & Clank version PlayStation 3 ? Libéré du carcan technologique, il insuffle de la matière à son univers. Il développe une mythologie bâtie sur des mondes foisonnants, à l’ambiance presque palpable, donnant ainsi aux batailles un cadre inédit aux enjeux beaucoup plus présents. Pas de révolution donc, mais un effort suffisant pour relancer définitivement la machine. Disons le tout net : face à la réussite de Tools of destruction, A Crack in time a clairement des allures de direct to video. Mathématiquement, le constat est implacable : ce nouveau Ratchet est deux fois plus court, moins vaste, recycle la même intrigue – mais appauvrie et au brillant casting qui émaillait les précédentes péripéties, il privilégie des seconds rôles totalement anecdotiques. On pourra opposer que cet épisode se voulait plus modeste, plus intimiste. Après tout, pourquoi pas. Mais même lorsqu’il amorce quelques belles idées, le jeu d’Insomniac se révèle un brin pataud. Les énigmes temporelles tout d’abord, renvoyant forcément au Braid de Jonathan Blow, peinent à convaincre, prisonnières de la structure trop compartimentée des niveaux. Citons également la thématique du voyage dans le temps ici à peine effleurée, réduite au simple rôle de faire valoir le temps de quelques trouvailles peu inspirées.
Il n’y a donc pas grand-chose à retirer de ce nouveau Ratchet, épisode un tantinet médiocre, perdu dans une série trop brillante pour lui. Mais ce n’est qu’au générique, convoquant deux figures emblématiques de la saga, que le titre d’Insomniac scelle définitivement son destin. Divertissement sans fausse note, mais parfaitement oubliable, Ratchet & Clank : A Crack in time se contente du minimum et rappelle surtout à notre souvenir ses prédécesseurs, autrement plus incisifs. Reconnaissons lui au moins un mérite : la série possède des bases suffisamment solides pour permettre à une suite, aussi paresseuse soit-elle, de maintenir un seuil de qualité acceptable.