Fuselé comme un suppositoire en acier trempé, le vaisseau spatial pénètre le gigantesque anus artificiel à l’intérieur duquel se terre un imposant testicule vérolé, protégé par d’énormes pénis vindicatifs… Une scène parmi tant d’autres. De quoi ? Du prochain film SF de Cronenberg ? Non, du nouveau R-Type, shoot’em-up bio-mécanique légendaire, jeu d’arcade un rien malsain -voir le fameux boss du premier opus, immense foetus dégénéré passé à la moulinette Giger-, obsédé par la chair torturée, les manipulations génético-robotiques improbables. A l’époque, R-Type était un peu en avance sur son temps ; aujourd’hui, il est en phase avec les inquiétudes modernes fondées sur les progrès de la science. De quoi contrebalancer l’indiscutable obsolescence de son gameplay : il ne faut pas se leurrer, le shoot’em-up 2D est devenu un genre de niche pour ludophiles gastronomes ou hardcore-gamers passéistes. C’est injuste, évidemment, le genre a encore beaucoup à dire, il peut proposer de nouveaux concepts, réinventer des univers vidéoludiques en voie d’extinction, à l’image du fabuleux Ikaruga, shoot’em-up cérébral et crépusculaire, ou, en import, de l’excellent Shikigami no shiro II.
De son côté, sans doute sous l’influence de son contexte post-humain, R-Type final s’auto-clone. Le shoot d’Irem se contente de capitaliser gentiment sur son passif et de reprendre les recettes de l’épisode précédent, le très respectable R-Type delta sur PlayStation, en plaquant bêtement un gameplay 2D qui commence à s’essouffler sur de jolis décors 3D. Pas l’ombre d’une prise de risque, aucune sublimation du terreau bio-mecha de départ… Le malaise que devrait provoquer l’ambiance si délétère de la série ne se fait ressentir que par intermittences, le rythme poussif, passablement amoché par d’interminables et inacceptables baisses de framerate, ne fait plus illusion dans le genre « shoot zen » : R-Type a (mal) vieilli, il est devenu terne et poussiéreux. Tellement scolaire que les concepteurs du jeu ont cru bon, pour donner un coup de jeune à la série, de proposer au joueur une centaine de vaisseaux à débloquer progressivement et à collectionner, comme les voitures de Gran turismo ou les maillots de bain échancrés de DoAX : aucun intérêt.
Malgré la mollesse du gameplay, malgré les carences techniques, R-Type final se laisse jouer, avec un certain plaisir, mais sans véritable passion. L’ennui, c’est que quand on porte le flambeau d’une licence aussi mythique, il faut au moins fournir l’effort de transcender le matériau d’origine, d’ancrer le genre déclinant qu’on est censé représenter dans une perspective plus moderne et plus novatrice. Faire du neuf avec du vieux, c’est encore possible -cf. Viewtiful Joe-, à condition de bien vouloir sortir la tête du formol.