L’échec permanent du crossmedia en jeu vidéo ne semble pas prêt de s’arrêter tellement toutes les tentatives ont fini par déboucher sur des objets bâtards et ingrats. Quantum Break n’échappe pas à la règle. Présenté au lancement de la Xbox One comme un concept révolutionnaire et longtemps mystérieux, le nouveau jeu de Remedy accouche d’une souris qu’on ressortira dans dix ans comme un énième ratage de jeu hybride. À moins que.
Dès l’énoncé du concept les limites de Quantum Break sautent aux yeux : mélanger jeu vidéo et série télé au sein de la même expérience, le plus simplement du monde, en alternant les phases de jeu, et les épisodes filmés, par tronçons de vingt minutes, on a vu plus ambitieux pour remplacer des cinématiques. Et ce ne sont pas les superficiels embranchements d’intrigue laissés au bon soin du joueur avant chaque section tournée qui font basculer Quantum Break dans un format narratif ébouriffant. À l’inverse, on s’étonne d’aussi peu d’imagination dans les interactions entre chaque partie, et du rendu de l’image plus moche et fauché qu’un porno streamé. Peut-être Remedy a-t-il voulu créer un effet d’étrangeté : une photo clinique qui ne se fait jamais oublier et qui répondrait au réalisme des parties jouées. Mais on a beau retourner la question dans tous les sens, non, la cohérence plastique est aux abonnés absents, et du format de la série le jeu ne fait rien. Car inutile de miser sur l’intrigue, vendue pourtant comme l’une des grandes promesses de cette expérience post Netflix : perdu dans un scénario abscons et laborieux à base de voyage dans le temps et de fissure temporelle apocalyptique, Remedy ne fait émerger aucun enjeu nulle part. Pire, les nombreux personnages n’existent pratiquement jamais pour eux-mêmes, tous condamnés ou presque à être les véhicules inconsistants d’une histoire inutilement tarabiscotée, bouffie de détails inutiles et de poncifs assommants. On ne s’attache à personne, ni à aucune relation (parfois gratuites ou conçues à partir d’un manuel de petit storyteller), et tout le charme d’Alan Wake (du même Remedy), explose en plein vol après deux heures de jeu. Quantum Break a des airs de série geek à peine digne de diffusion sur SyFY, et ça fait peine à voir.
Que Remedy ne soit pas prêt de se reconvertir dans la télévision n’est pas très grave. Au pire, l’essai est raté. Le souci c’est que Quantum Break est un jeu. L’expérience est certes beaucoup moins calamiteuse sur ce point. Shooter à base de couvertures et de manipulations temporelles, Quantum Break a même quelques bonnes idées et des gros moyens pour les accomplir. Sur le terrain de l’action, le jeu arrive générer des visions parfois sidérantes, propulsant le joueur dans un espace-temps fragmenté qu’une panoplie de pouvoirs permet de plier et déplier à loisir (ralentis, accélérés, pauses, à enchainer en plein gunfight). En dépit d’un indécrottable effet daté (John Woo et Matrix tenez bon), la sensation d’explorer et manipuler un environnement mouvant, clignotant, instable, aux allures de glitch géant, permet au jeu d’éviter la catastrophe et trouver son identité stylistique. Il reste qu’on ne comprend pas pourquoi un dérèglement temporel entraînerait la rencontre entre un paquebot et un pont. Le temps débloque, pourquoi pas, mais Remedy en fait un prétexte parfois confus, partagé entre quelques reprises paresseuses de Braid (remonter le temps pour jouer avec la progression dans le décor), et des visions catastrophes visant à créer des environnements vertigineux, incroyables et morcelés. Car si le principe est de jouer avec des espaces-temps superposés, le jeu pousse rarement son concept : pourquoi pas imbriquer entre elles des époques plus éloignées si c’est le temps dans sa totalité qui implose ? Ou pourquoi pas encore permettre au joueur d’observer lui-même et à sa guise différentes facettes d’une même scène en pénétrant le temps sur une plus grand durée ? Les possibilités semblent immenses, et Remedy se borne à radicaliser le concept de Max Payne.
TPS médiocre sauvé par son gameplay temporel, Quantum Break s’effondre lorsqu’il s’agit d’exploration. Le jeu balade son joueur dans des niveaux à l’architecture linéaire, sans génie, et où il faut se plier à des phases de plateformes exaspérantes de par une physique bancale et inadaptée. Toute la difficulté du jeu se tient là : comment faire somme de ces parties brouillonnes et peu cohérentes ? Au bout de dix heures quand tombe le générique de fin, on se demande comment la promesse d’un grand jeu narratif s’est transformée en shooter à la progression générique, parfois pénible et parsemée de tunnels cinématiques auxquels la prise de vue réelle n’apporte rien. C’est là aussi la contrainte sinon la malédiction du crossmedia : difficile d’en ressortir gagnant quelque part. Série nulle, jeu moyen, expérience globale inaboutie, Quantum Break se loupe sur à peu près tous les tableaux. Ou presque, car il demeure malgré tout l’étrangeté de cette combinaison – et un parti pris dont il faut relativiser les échecs.
Si le jeu ne fonctionne pas, c’est moins à cause de son concept que pour ses choix d’écriture, son esthétique ou sa conception. Car il conserve malgré tout ce charme de l’hybride, cette bizarrerie à la fois repoussante et séduisante des choses impures. Toutes les limites, les contraintes, les envies du projet sont détectables à chaque instant, ce qui nuit autant à sa vraisemblance que cela rend ses faiblesses attachantes. Pas de quoi trouver ici un noyau théorique à faire pousser : cette absence de matière et de réflexivité est sans doute le plus décevant avec Quantum Break. Mais au moins on peut s’interroger sur les capacités de ces expériences composites. Une fois mesurées les différences et les incompatibilités entre chaque médium, comment penser autrement le crossmedia ? Un début de réponse se situe peut-être du côté de ceux qui n’oublient pas d’être un jeu (Her Story, soit le film qui devient interactif). Ou ceux qui assument l’hybridation en la poussant jusqu’au bout, tressant les médiums autrement qu’en les alignant l’un derrière l’autre. Cette dernière option est sans doute la plus incertaine, mais la plus osée, et on aurait rêvé que Quantum Break l’embrasse. En fragmentant l’expérience au moyen de territoires qui depuis longtemps s’entremêlent (le cinéma a autant puisé dans le théâtre qu’il l’a combattu), le crossmedia prend toujours le risque de délimiter des frontières plutôt que les associer naturellement. Les accepter tout en les brouillant, c’est le meilleur, mais le plus complexe, des équilibres à trouver. On se souviendra peut-être de Quantum Break pour son incapacité à se saisir de cette difficulté, et donc comme modèle à dépasser. C’est déjà pas si mal.
De l’art de l’accroche.
De l’art de l’accroche.
De l’art de l’accroche.
De l’art de l’accroche.
C’est totalement déprimant de voir Remedy tomber aussi bas (d’aussi haut). Max Payne et Alan Wake resteront des références à tout jamais, et c’est en bonne partie grâce au génie narratif de Sam Lake. Visiblement, il ne reste rien de ça dans Quantum Break…
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