Là où d’autres s’efforcent de concevoir des quake-like intelligents (travail sur l’intelligence artificielle des bots, création de scenarii élaborés et de maps complexes), Id Software choisit la voie du FPS (First person shooter) brutal et grossier. Autrement dit, il n’est plus qu’un unique aspect qui intéresse ici l’équipe de John Carmack : le jeu en réseau et particulièrement le deathmatch, à l’origine d’un engouement sans égal, et toujours intact, au sein des peuplades virtuelles. En 2000, Id Software fait une croix sur Quake en solo, sa façon à lui en quelque sorte de se distinguer clairement de la concurrence…
D’entrée de jeu, c’est la claque, bienvenu dans l’Arena Eternal ! Les maps, structures gigantesques créées, dit-on, à l’origine par les Vadrigars, sont d’une finesse extraordinaire, d’une beauté ahurissante. On y distingue par ailleurs d’étonnants effets de lumière et de brouillard dont le rendu atteint un réalisme jamais égalé jusqu’alors sur nos micros -idem pour la lave, l’eau et cette boue toxique de slime. Jamais vu, non, un moteur 3D aussi efficace. Quant à la jouabilité, elle est tout bonnement exceptionnelle, notamment grâce à la fluidité des animations et au parfait répondant des commandes. Sur tous ces détails techniques, impossible de nier l’acharnement des concepteurs, le résultat est à la hauteur des ambitions. L’immersion est totale…
En solo, deux possibilités : le mode « Escarmouche » par l’intermédiaire duquel vous choisissez l’arène et les adversaires, ou bien le mode « Combat ». Ici, les niveaux (quatre maps par niveau) défilent dans un ordre préétabli et les adversaires, de plus en plus coriaces naturellement, sont pour chacun d’eux présélectionnés. Parmi les 32 lascars qui osent vous affronter, notez que l’on retrouve de nombreux énergumènes tout droit sortis de ces bons vieux Doom, Quake et Quake II. Ainsi que toute une galerie de nouvelles brutes, comme Anarki le surfeur cybernétique, Cadavre dont la chaise électrique, l’échafaud et la chambre à gaz ne sont jamais venus à bout, Klesh, un alien qui purifie son âme dans le feu du combat, ou encore, certainement le plus étrange d’entre tous, Orbb, œil sur patte conçu par les Vadrigars… Côté bastos, ce Quake III vous offre le catalogue des arrache-vies au grand complet. BFG, fusil à pompe, plasma gun, lance-grenades, lance-roquettes, lightning gun (à base de coup de décharges électriques, voyez le genre) et rail gun. On n’abusera pas de ce dernier, particulièrement dévastateur certes (l’adversaire ne résiste pas aux balles en uranium appauvri), mais affreusement lent à recharger. Dans le même esprit, on prendra bien soin de désactiver l’option (mode manuel) qui veut qu’une arme récupérée soit automatiquement celle utilisée dans le feu de l’action. Imaginez qu’en plein face-à-face avec l’agresseur, le BFG pointé sur lui, vous vous retrouviez subitement avec le gentil mais relativement peu efficace fusil à plasma dans les pattes… Ciao quaker ! Or c’est précisément de votre vitesse de réaction que dépendra votre survie. Ce qui ne signifie absolument pas qu’il faille se contenter de faire du surplace ou d’esquiver les shoots ennemis. Comprenez que l’objectif consiste bien à accumuler au plus vite un certain nombre de frags (de cadavres) pour monter sur la première marche du podium. Dans ces conditions seulement, vous passez de niveau à niveau. Enfin, on retrouve tous les bonus habituels posés ici et là dans les maps : armures, points de vie, jet pack antigravité, accélérateur de mouvement, munitions. Deux grandes nouveautés : une option d’invisibilité temporaire ainsi qu’un téléporteur personnel qui vous transporte en un rien de temps à l’autre bout de l’arène.
Néanmoins, les bots ne profitent pas encore tout à fait de la subtilité de l’intelligence humaine, d’une perception chaotique et imprévisible des situations. Peu importe le degré de difficulté sélectionné, nos amis les bots posent problème. Vraiment trop lents et stupides si l’on opte pour le niveau le plus faible (« I can win » pour les débutants), ils sont en revanche imbattables en mode « Nightmarre » (pour les plus aguerris, carrément téméraires en fait !). Or la nuance se mesure moins en terme d’intelligence artificielle que de rapidité et de précision des shoots. Autrement dit, et c’est regrettable, les bots ne changent aucunement leur attitude en fonction du niveau de difficulté choisi, ceux-ci empruntent d’ailleurs sans arrêt les mêmes chemins et rejoignent constamment les mêmes salles. Bref, en mode solo, le joueur reste forcément sur sa faim…
Quake III est avant tout un jeu en ligne et ce n’est pas totalement inutile que d’insister lourdement sur ce point, les infos sur le packaging n’étant pas très explicites à ce propos. Ce n’est donc qu’en réseau que les joyeusetés décrites plus haut prennent véritablement tout leur sens. En plus du mode « Deathmatch » habituel (chacun pour soi), le programme autorise la pratique en équipe (« Team deathmatch », les rouges contre les bleus). Quoi d’autre ? Le « Tournoi », face à face en one-to-one, et le fameux mode « Capture the flag » (quatre maps seulement hélas). Il s’agit dans ce dernier de capturer le drapeau de l’équipe adverse pour le ramener à sa base. Plus subtil certes, mais pas moins violent. L’essentiel est dit. Reste à créer son héros et à le personnaliser (90 skins, au choix). La suite, incroyable, ne s’explique pas mais se ressent. Veuillez donc vous rendre sur les serveurs dédiés pour apprécier la chose… Notez que Quake III intègre un système de chat évolué. Par exemple : on sait dorénavant, à tout moment, qui complote avec qui pour vous dégager de l’arène…
Il est entendu que chez Id Software, on ne s’est pas trop creusé les neurones, d’où notre appréciation mitigée. Mise à part l’évolution technique, Quake, pionnier du genre rappelons-le (avec l’ancêtre Doom), reste égal à lui-même. Amateurs de deathmatch purs et durs, ce jeu est fait pour vous. Toutefois, encore faut-il profiter d’une connexion efficace (aucun problème majeur de ping constaté avec un modem 56K en RTC) et, si possible, gratuite (câble ou ADSL). Sinon, c’est une nouvelle fois France Telecom qui va se régaler. La boucherie online ne vous branche pas plus que ça ? L’histoire du grand Quake s’achève, pour vous, avec ce troisième opus. Tournez-vous vers des FPS plus malins qui ne sous-estiment pas encore tout à fait l’intérêt du jeu en solo (Unreal tournament ou Half-life).
Pour finir, gageons que les acharnés du genre nous concocterons vite de nouvelles maps plus emballantes encore que celles proposées dans le jeu (pourtant déjà bien garnies : portes, tremplins, blocs d’accélération, brouillard mortel, ascenseurs, téléporteurs, etc.). La fièvre Quake III n’en est qu’à ses balbutiements sur la Toile. Non seulement ce gros malin de Carmack ne s’abîme pas le cerveau en phase de conception, mais, qui plus est, il lui suffit dorénavant de se tourner les pouces et de laisser faire les fans pour que l’intérêt et la durée de vie du soft soient sans cesse renouvelés. Et que les dollars lui tombent en abondance dans les poches. Scandale ? Même pas.