Depuis Tetris, on sait qu’il n’y a rien de plus bête mais de plus fort et hypnotique qu’un puzzle game. Le genre aura installé la victoire du minimalisme, la grandeur des formes simples, des concepts rapides et addictifs. Parce qu’ils sont potentiellement sans fins et qu’ils reflètent, épurés et presque beaux, notre quête absurde de sens, les Zoo keeper et autres Meteos éclipsent de leurs statures a priori ridicules les plus pharaoniques productions du jeu vidéo. Perle absolue de l’eshop sur 3DS, Pullblox ajoute sa pierre à l’édifice de ces petites machines implacables et diaboliques auxquelles la terre entière se donne entre deux métros.
Arrière petit fils de Q Bert (proche par là aussi du génial Catherine ; on y revient bientôt), Pullblox repose, comme toujours, sur l’alchimie d’un concept de trois fois rien. A l’aide d’un mignon héros grassouillet et dans des décors enfantins, on tire et pousse des blocs afin de grimper dessus pour atteindre leur sommet où sauver un bonhomme. Comme le genre ne serait rien sans contrainte, les blocs ne peuvent se déplacer que de trois crans maximum et le personnage ne sauter que d’un étage à la fois. Commence alors le calcul, qui de niveau en niveau, va être sans cesse plus complexe et vertigineux, telle une opération ne cessant de croître à force de découvrir ses potentialités. Ainsi va la loi du genre.
Mais le concept ne s’arrête pas là. Entre plateforme et puzzle game, Pullblox voit aussi croître ses variantes avec son créateur de niveau. Le jeu d’Intelligent System (Advance wars, Paper Mario) se mue alors en concours de pixel art. Chaque niveau, facile à réaliser et faire passer (au moyen de codes QR à prendre en photo avec la console), devenant Lego à explorer dont on tire une à une les pièces pour découvrir le parcours conçu par l’autre. L’insolente simplicité du jeu fait alors un peu plus épouser sa nature de jeu de construction pour enfant. Base pourtant jamais limitée mais bien au contraire essentielle, presque souveraine, cachant dans son principe le code ouvrant à toutes les possibilités géométriques et mathématiques. Avec le renfort des tableaux à partager, Pullblox acquière une dimension quasi infinie, comme autant d’équation à transmettre par le biais de clin d’oeil figuratif. Sans doute pour compenser, un peu, ce grand territoire d’abstraction, ou ironiquement la renforcer un peu plus. Le puzzle game est un venin, une course maladive et jouissive pour la logique dont on ne sortira pas. Tant mieux.