Gameplay. Gameplay. Gameplay. Le critique de jeu vidéo n’a que ce mot à la bouche. Comme pour mieux masquer ses « tests » en forme de bulletins scolaires et ses initiales en bas d’un score-table pas très reluisant. Heureusement pour lui, en 2004, quelques rares avatars 2D du retro-gaming (Gradius V par exemple), sont venus lui rappeler au bon souvenir du tyrannique highscore. Pourtant, s’il ne restait qu’un plaisir associé à celui de jouer, ce serait probablement celui du beau geste récompensé. Metal slug contre Metal gear. Apollon contre Dyonisos. Maniabilité contre jouabilité. Plus il grandit, plus le jeu vidéo s’affranchit de ses impératifs sportifs pour proposer une expérience artistique débarrassée de l’obligation de la performance. Le beau geste moins la performance, une panacée ? C’est en tout cas ce que voudrait nous démontrer un prince de Perse déjà abusivement auréolé à l’unanimité par un consensus mou. Par une habile et scandaleuse abolition du die & retry et quelques salto en sandales, le petit prince avait regagné le coeur de sa cour. Il faut dire que son altesse fait du trapèze, court sur les murs et grimpe à la corde comme personne. Il faut le voir encore tailler dans le gras de ses poursuivants ou utiliser un simple poteau pour se transformer en lame de mixeur. Quel panache ! C’est donc un peu éberlué par tant de brio que le joueur moyen traverse les niveaux. Subjuguer le joueur par la démonstration de sa propre puissance, un festin royal ? Pourquoi pas… Tant qu’il s’agît d’une puissance maîtrisée. D’un affranchissement à la physique du jeu, à la fois pédagogique et progressif. Seulement voilà : la méritocratie ne sera jamais le fort des royalistes. Le vrai visage du prince, c’est un sale gosse qui monte au plafond parce que des esclaves le hissent avec une poulie. D’où ce gameplay savonnette et hyper-contextualisé. D’où cette impression navrante de contrôler une série d’animations à 60fps plutôt qu’un personnage aux prises avec son environnement.
Une petite digression s’impose : rappelez-vous, le Mega-CD de Sega. C’était moderne. C’était high-tech. On y jouait avec des films découpés en séquences très brèves entre lesquelles on appuyait sur des boutons pour faire avancer un sous-marin dans des égouts infestés de monstres. Celui-là s’appelait Sewer shark. C’était aussi bluffant à voir que pas drôle à jouer. Prince of Persia 2 c’est Sewer shark dont on aurait re-découpé les séquences 10 fois pour persuader le joueur attentif que c’est vraiment par son action seule qu’il se passe des choses aussi géniales sur son écran 16/9. « Mais tu vas jouir, oui ?! ». Comme si ça ne suffisait pas à noyer le têtard, on remarquera quelques efforts désespérés de coolitude comme cette propension de la caméra à zoomer sur les culs stringués de quelques amazones gothiques (déjà vu l’année dernière dans un vrai jeu, Ninja gaiden). Comme deux-trois répliques aussi définitives qu’indigentes dont le déjà cul-culte « oh, bitch ! » traduit par un pudibond « oh la garce ! ». Comme cette bande son, heavy-orientalisante et son ambiance néo-métal du pauvre.
Las, on aurait jamais cru possible (et surtout souhaitable) de transposer un « Change pas de main, je sens que ça vient » en gameplay. Ubisoft l’a fait, offrant un eye-catcher abordable aux puceaux de l’ère 2D (le temps où on aimait suer). Mais à quel prix ? Pendant que bobonne s’extasie sur les prouesses du prince musclé, monsieur s’emmerde ferme. Au final, Monsieur ne sera pas devenu meilleur joueur, juste moins mauvais en motion-capture.