La PlayStation 4 dans les tuyaux, le monde du jeu vidéo tourne une page. La next-gen en approche, l’avenir sera-t-il tout dématérialisé ? Sony va-t-il redevenir le boss face à l’entrée en scène de nouveaux arrivants ? This is War !
Galvanisée par le succès de l’iPad et du streaming, l’industrie du jeu vidéo voit à nouveau déferler une horde barbare (et barbante) de loups venus de la Silicon Valley prêts à se disputer les restes d’Apple sur le terrain du jeu partout et pour tous. Problème : cette fois, ils veulent forcer l’un des plus vieux et navrants fantasme de l’industrie du software : rendre le joueur locataire à vie de ses jeux. Souvenez-vous des rumeurs colportées il y a plus d’une décennie par le successeur de Windows 98, appelé alors « Projet Long Horn » (avant d’être officialisé sous le nom de Windows XP). Il y était question d’un protocole permettant à un éditeur de logiciel d’empêcher l’installation de ses produits illégalement, d’une surveillance online des utilisateurs et le passage d’un paradigme économique à l’autre : celui du consommateur propriétaire du logiciel qu’il a acquis, à celui de simple locataire de service.
Sous le tollé général des communautés geeks, réelles ou fantasmées, la plupart des fonctionnalités incriminées ne verront finalement pas le jour, mais le vers est entré dans le fruit. Quel genre de fruit ? Sans doute une pomme entamée puisqu’Apple démocratisera le premier, avec l’écrasant succès que l’on connait, le paradigme du soft que l’on achète mais qu’il est désormais impossible de faire circuler. La vie en leasing, l’obsolescence permanente, la dématérialisation… peut-on rêver meilleur modèle de consommation pour une industrie du renouvellement permanent ? Ce modèle économique, c’est précisément celui des nouveaux arrivants dans la prochaine guerre des consoles. Qu’elles soient nomades et/ou destinées à rester pluggées à l’écran HD du salon, qu’elles se nomment « Project Shield » ou « Valve Box » (on susurre aussi le nom d’« AppleTV »), elles rejoignent la prochaine génération de consoles des constructeurs historiques, tels Microsoft et Sony, via une architecture très PC. Elles seront à priori proposées à un prix élevé, misant sur tout sur le dématérialisé. Le cas de la Ouya (autour d’un OS Android) demeure à part, puisqu’elle base son modèle économique sur une machine très abordable, et surtout destinée à faire tourner uniquement des jeux free-to-play, économiquement compensés par des éléments de jeux en téléchargement payants.
Forcément, on attendait une réponse, un signal fort de la part de Sony face à ses nouveaux players aux dents longues. C’est à New York que la prochaine PlayStation a été présentée le 20 février dernier et surtout, surtout, que se dessine une réponse conceptuelle à priori viable face à ce marché du jeu en quasi-location. L’arme-fatale du géant japonais (un peu amoché par ses pertes sur l’électroménager grand public et des chiffres de ventes peu reluisants en ce qui concerne la PlayStation Vita) se nomme Gakaï, une société rachetée par Sony et leur pourvoyant l’infrastructure nécessaire à leur paradigme shift : le cloud gaming. Si le jeu reste en partie matérialisé (et malgré les rumeurs, aucun moyen technique pour stopper le marché du jeu d’occasion n’est à l’ordre du jour : ouf !), le grand projet de Sony consiste à transformer en profondeur l’activité du jeu vidéo sur deux fronts : sa diffusion et sa dimension sociale (un créneau qui n’étonnera toutefois personne après le succès de Facebook). Nintendo bien a réussi à faire sortir le jeu d’un écran de portable en lui donnant un relief stéréoscopique… Sony va lui donner une composition moléculaire diffusable partout. Au centre du dispositif, un bouton « partager » directement sur la nouvelle Dualshock 4 permettant de diffuser sa partie en live stream et/ou en capturant les images sur Youtube d’inviter les autres joueurs à commenter, collaborer (en offrant un item ou en rejoignant la partie en cours de route) ou à télécharger la démo (tous les jeux du commerce pourront être essayés et sans attendre, dès le début du téléchargement : une première !). De simple consommateur, le joueur devient lui aussi, sans quitter sa manette pour statuer ni tweeter, promoteur de ses goûts, diffuseur de sa vie de joueur et intervenant dans celle des autres. A bien y regarder, le monde promis par Sony remet au goût du jour, à hauteur de la culture gamer, une sociabilité perdue depuis la fermeture des salles d’arcade.
Une perspective grisante, féconde et qui, épaulée par une puissance d’affichage poids lourds et la participation des écrans nomades (possibilités de faire interagir ses smartphones et tablettes avec les jeux et de continuer sa partie en réseau local sur la PS Vita), laisse entrevoir pour la première fois depuis la fin l’ère PS2, un retour en force de Sony.