Dans Jiro Dreams of Sushi, documentaire sur Jiro Ono, maître sushi octogénaire devenu une légende à Tokyo où son restaurant, dans le métro de Ginza, a été multi-primé, l’itération est la plus grande vertu. Répéter, durant des décennies, au risque des plus grands sacrifices, les mêmes gestes, est le meilleur moyen de toucher à la quintessence d’un art. Celui culinaire pour Ono n’est pas si différent que celui du jeu vidéo pour Nintendo. Spirituellement il est même identique. A force de produire les mêmes jeux, ceux-ci on atteint un niveau d’excellence irréfutable, si bien qu’on pourrait, et depuis longtemps, ne plus faire attention à leur génie. La série des Mario Bros incarne mieux qu’aucune autre cette quête de virtuosité qu’on a pu caricaturer par l’idée de formule, au point qu’on finisse un peu par ne plus s’émouvoir des nouveaux épisodes. Spin off plus conceptuel, celle des Paper Mario s’est imposée comme une variation à partir du schéma originel. Une variation RPG, qui portée par les petits génies d’Intelligent Systems, a permis la création de jeux malins jouant avec l’idée de matérialité (des mondes et héros de papier). Cette expérience annexe et plus expérimentale dans l’univers du plombier (à l’image de Mario Galaxy), atteint peut-être elle aussi son point critique avec Sticker Star. Ce moment où il n’y a rien à redire, tout est maitrisé, mais où, pourtant, on peut vite s’arrêter devant sa trop grande simplicité.

 

Reprenant le mélange de plateforme et RPG de Super Paper Mario, Sticker Star préfère s’appuyer sur la collectionite d’objets (les fameux autocollants à utiliser de diverses manières) plutôt que le fameux switch 2D/3D qui fera aussi le bonheur de FEZ. Moins innovant, moins séduisant, le concept délègue surtout son intérêt à l’accumulation des pouvoirs déclinant sous différentes formes les items ou objets de Mario. Aussi bien pour se battre que progresser ou résoudre des énigmes. Mais si le principe d’un monde où décoller des images à utiliser ensuite a un potentiel intéressant, son utilisation se révèle assez vite limitée à un inventaire optimisé propre à n’importe quel RPG. L’impression d’un titre emprunt d’un trop grand minimalisme, avec finalement trop peu de possibilités (même si beaucoup de combinaisons), finit par renvoyer le concept du sticker à ce qu’il est : un vague truchement (sticker = objet) qu’on aurait sans doute aimé voir plus étoffé. Pourtant, c’est aussi ce côté épuré, sans chichis, suivant son concept initial, qui ramène aussi le jeu à la tradition des vieux maitres répétant inlassablement le même geste. Ce qui rend le jeu à la fois sympathique, pour transformer le plus simplement du monde, au détour d’une idée, les bases du genre. RPG minimal, Sticker Star ne propose finalement rien d’autres que ce que sa jaquette annonce : plateforme, jeu de rôle, autocollants, dans leur plus simple utilisation et appareil, avec Mario pour les faire tourner. On ne peut pas en vouloir à Nintendo de vouloir conserver le sens des traditions, avec une touche de fantaisie.