Que peut-on attendre aujourd’hui de la Team Ninja ? Après le départ très médiatique de la rockstar Tomonobu Itagaki suivi par une partie de ses effectifs et un rachat par Koei, les équipes de la Team Ninja ont clairement tout à prouver (lire notre entretien avec Yosûke Hayashi). C’est donc peu de dire que l’on attendait cette version PlayStation 3 de Ninja gaiden 2, suite hystérique et sans concession d’un premier épisode pourtant réputé pour son côté hardcore.
Mais cette adaptation de Ninja gaiden 2 pour la console high-tech de Sony est d’abord l’occasion de rappeler une évidence : Tomonobu Itagaki est un grand game-designer, avec ses obsessions et son propre univers. Dans la ludographie de son géniteur, Ninja gaiden 2 s’impose rapidement comme l’aboutissement de ses travaux, tant le game-designer japonais y exploite ses mécaniques tout en les poussant dans leurs retranchements et se débarrasse de tout ce qui pourrait être superflu. Encore plus extrême que son prédécesseur, Ninja gaiden 2 ne s’encombre d’aucune histoire, d’aucun background. Seule reste cette direction artistique, partagée avec la série Dead or alive, qui convoque toutes les icônes les plus ringardes de la pop culture américaine et japonaise des années 80 (monstres vaselinés, héros en cuir SM, boss-fights au sommet de la statue de la Liberté…) avec un mauvais goût totalement assumé – et donc irrésistible.
Travail de l’épure donc, à l’image des différents niveaux du jeu, qui délaissent la structure ramifiée et maligne du premier épisode pour une progression linéaires aux enjeux limpides (aller du point A au point B). Tout cela n’a qu’un but, servir le système de combat sans jamais le parasiter. C’est d’ailleurs la grande réussite du jeu. Du premier épisode, cette suite reprend le principe d’alternance entre garde et contre-attaque, mais corrige quelques lacunes. Désormais, il n’est plus possible de patienter sagement, le doigt appuyé sur le bouton de garde. Pour survivre, il faut bouger, esquiver, observer le moindre mouvement de l’ennemi pour savoir quand reprendre l’avantage. En cela, l’accélération du rythme depuis le premier Ninja gaiden constitue un puissant catalyseur. Dans ce flot d’action continue, la moindre inattention se paye le prix fort et envoie direct à l’écran game over. Et c’est ici, dans ce jeu de massacre, que se joue la véritable identité de Ninja gaiden 2, exigeant du joueur une concentration parfaite – et épuisante, imposant le mouvement comme vecteur d’un spectacle visuel hystérique, sanglant et furieusement bandant. L’enjeu n’est pourtant pas nouveau, il est le même que celui de la série Dead or alive : replacer la chorégraphie au centre de toute action.
Jouer à cette version Sigma, c’est aussi aborder la question de la Team Ninja post-Itagaki. Ecartons d’emblée les ajouts, plutôt mineurs (un mode coopératif anecdotique, quelques chapitres oubliables et une petite révision technique) pour se concentrer sur la véritable singularité de cette adaptation. Simple délire d’accessibilité mal placé ou véritable volonté de rompre avec le passé, Ninja gaiden sigma 2 s’autocensure et expurge sa violence pour montrer patte blanche. Mais ce n’est qu’au terme du premier combat que l’on mesure l’ampleur du drame qui se joue sous nos yeux. Plus proche de l’oeuvre d’un technicien un peu yes-man que du jeu d’auteur jusqu’au-boutiste, cette version PS3 se la joue couille-molle et soustrait tout ce qui composait la folie et la puissance visuelle de l’oeuvre originelle. On attendait le sanguinaire Ryu Hayabusa sur la console de Sony et c’est la réminiscence de son flamboyant passage sur 360 qui vient nous hanter.