La découverte d’une originalité rend peut être tout jugement global aveugle. Pendant ses vingt minutes de présentation à la presse, Neverdead avait tout d’une éclaircie dans le ciel plombé du TPS. Sans pour autant prophétiser la refonte d’un genre, le nouveau titre de Konami semblait au moins expérimenter l’écartement d’un de ses enjeux. Avec son héros immortel et démembrable à souhait, Neverdead prétend détourner une question angulaire, quasi existentialiste : si l’on ne peut mourir dans un jeu vidéo, celui-ci peut-il encore avoir un sens ?
Dans une ère où la facilité l’emporte sur la survie, pour ne jamais avoir à freiner une action en ligne droite, la question trouvait ici, espérait-on, sa contre-indication sarcastique. Comme Bulletstorm, Neverdead projetait les espoirs d’un système de combat où la chorégraphie et l’improvisation l’emportaient sur la bourrinade en couloirs. La mitraille badass cédait un peu de terrain devant un calcul tactique des environnements et de nouveaux skills lâchés au fil de la progression. Avec sa trogne hardboiled et son cynisme de série B, le héros de Neverdead avait lui-même tout du nouveau héraut d’une franchise à surveiller, exemple supplémentaire d’une synergie féconde entre maison-mère nippone et développeurs occidentaux (le studio anglais Rebellion).
Ces vingt premières minutes s’avèreront tristement les seules rescapées d’un espoir vite consumé. Aux commandes de cet immortel, reconverti dans l’exorcisme de monstres pour le gouvernement et épaulé d’une coéquipière vulnérable (seul risque potentiel de game over), la prise en main se veut pourtant furieusement séductrice. La dégaine de l’avatar, aux airs de cousin crado d’Hellboy ; ses blagues à l’esprit garage bien senti dès les premiers démembrements ; le pacte sado-masochiste entre le joueur et son avatar supplicié qui, sans cesse encouragé par de nouveaux skills modulables (devenir une torche vivante, arracher ses membres et en faire une grenade, etc.), se fait avec un naturel confondant. A l’instar de Shadows of the damned, Neverdead assure son ambiance gentiment bâtarde entre plusieurs cultures, striée de réflexes Z et de punchlines éculées, dans une parfaite résurgence nostalgique d’un cinéma du double-programme 70’s, qu’on se plait un temps à voir resurgir.
Hélas, à l’image de son héros immortel condamné à errer indéfiniment sur Terre, le jeu semble se figer sur sa seule fierté de bête curieuse. Sûr de l’exposition alléchante de ses potentiels, le jeu ne les fait jamais mûrir, à aucun instant. Ses environnements thématiques (égout, métro, église…), son bestiaire désespérément famélique (5 à 6 types), ses boss et leur modus operandi désespérant de banalité : aucune forme ne semblent vouloir relayer la reformulation nécessaire du fond. L’immortalité, synonyme de la répétition ad nauseam ? Sur une vie entière, sans doute. Mais sur une durée de 6 heures de jeu, le calvaire sisyphéen semble plus indigeste. Car l’ennui rend rarement magnanime. Les longueurs interminables de certaines arènes finissent par orienter l’oeil sur un versant plus fatal : bugs et incohérences d’IA, action brouillonne voire illisible, inanité totale du sidekick féminin, d’un enjeu pourtant majeur, et réduite à une simple bagatelle de décor, jamais un facteur de challenge. Nous qui attendions un nouveau challenger aux surdoués de PlatinumGames, on écope d’un cousin parvenu de Serious sam. Au final, Neverdead aura raté son plus grand pari : jamais l’attente du game over ne se sera fait autant désirer. En cela, il reste peut être une bonne nouvelle : la mort dans un jeu vidéo surpasse encore de loin sa mascarade.