Malgré une belle profondeur 3D sur portable et une interface améliorée sur Wii U, sur le fond, rien n’a changé. Le million seller de Capcom invite toujours à se balader dans des paysages gigantesques découpés en zones où traquer des animaux à mi-chemin entre le dinosaure et le dragon, puis une fois l’animal abattu, à en utiliser les matériaux obtenus pour crafter de nouvelles armes et armures. Un recyclage éternel assorti de quelques nouveaux lieux (un nouveau point de départ: le port de Tanjia), de nouvelles espèces et d’upgrades. De fait, inutile d’épiloguer sur les caractéristiques uniques de cet opus. Les néophytes n’y comprendront rien. Les connaisseurs les maîtrisent déjà sur le bout des doigts. Questionnons-nous plutôt sur le sens de ce qui nous relie à Monster Hunter en tant que phénomène ludique et culturel décalé. A bien y regarder, une nouvelle extension (voire même un nouvel épisode) de Monster Hunter correspond pas mal à l’idée que je me fais d’une saison de chasse. Si je dis « l’idée », c’est parce que je n’ai jamais tué un être vivant, ni l’ai encore moins chassé. D’une année à l’autre, il doit sûrement y avoir des petites nouveautés dans les armureries, les surplus américains et dans les pages du magazine « La Chasse » pour mieux traquer le cerf et la perdrix, des zones de traque dont les communes décident l’élargissement ou la réduction, des espèces réintroduites. Tout cela devient sans doute très réglementé. Les échauffourées avec des Ecowarriors sont, probablement, assez fréquentes.
Avant c’était plus simple, on prenait son sac à dos et on partait chasser, on récupérait des matériaux, des herbes, des peaux de bêtes, on fabriquait des trucs avec les os puis on repartait. Parfois c’était pour le plaisir de tuer un truc sauvage qui n’allait pas porter plainte (à l’inverse d’un voisin un peu rustre, d’un rival ou une belle-mère). Parfois c’était ritualisé sous la forme symbolique de l’éternel combat « Homme vs. Nature ». Quoique sur ce point le principe de la chasse à cour, une vingtaine de guignols à cheval et une meute de clébs surentrainés contre un renard apeuré, laisse un peu un arrière goût de foutage de gueule au son du cor. Pourtant, parfois, c’était du sérieux, purement utilitaire, il fallait virer les loups ou les ours qui dévoraient le bétail, ou bien traquer la bête du Gévaudan. Cet avant (temps reculé, moyenâgeux, héroïque et obscur) ressemble plus à Monster Hunter. Un monde d’abondance, innocent, où il n’y a pas 7 milliards de bouches à nourrir et de la fight à propos du coût écologique des élevages intensifs. Autant que la nostalgie muette de ce temps-là, Monster Hunter 3 Ultimate se fait l’écho de l’ancienne naturalité du désir humain pour la viande. Dans le port de Tanjia (une sorte de hub avant de se lancer en mission), il y a des échoppes tenues par des félynes (les lolcats du jeu) dont une avec une broche de viande à Doner géante. Ce clin d’œil à notre modernité résume également à merveille la philosophie de Monster Hunter. Un jeu généreux, riche, où il y a manger pour pas mal de temps, lourd (dans ses interface) et qui célèbre la viande en temps que matériau premier de notre amour pour la nature et notre irrépressible besoin de la dominer.