Metropolis street racer (MSR), c’est un peu l’arlésienne des jeux de bagnoles sur Dreamcast. Annoncé depuis la préhistoire de la 128 bits de Sega, le chef-d’œuvre révolutionnaire autoproclamé de Bizarre Creations se faisait attendre, provoquant une hype sans précédent pour un « simple » jeu de course. Or, on le sait, la hype est un instrument à double tranchant qui ne laisse aucun recours en cas de déception exacerbée. La question qui est sur toutes les lèvres est donc : MSR valait-il l’attente et surtout toute cette excitation médiatique ? Eh bien… oui. Pourtant, d’un concept de départ plutôt ambitieux à la Midtown madness, MSR est passé à un mix beaucoup plus classique entre Gran turismo et Ridge racer. En fait, un banal jeu de courses sur circuit fermé… C’est tout de même loin d’être aussi excitant sur papier qu’un Driver, malgré les références écrasantes précitées qu’il fallait faire oublier.
Alors qu’est-ce qui fait de MSR la petite bombe ludique qu’on était en droit d’attendre ? Paradoxalement, c’est peut-être en premier lieu parce que MSR est un jeu qui cultive l’anodin. Pourquoi les développeurs de Bizarre Creations se seraient-ils démultipliés sur trois continents pour flasher les moindres recoins de Tokyo, San Francisco et Londres, simplement pour un jeu qui ne donne pas la possibilité de se déplacer librement dans ces trois mégalopoles ? Si vous n’y êtes jamais allé, qu’est-ce que ça peut bien faire que leur représentation virtuelle soit exacte au magasin près ? Rien… Pourtant, le plaisir du jeu s’en trouve accentué, d’autant que Bizarre pousse le vice encore plus loin. Des multitudes de petits gadgets qui n’apportent rien à la jouabilité elle-même, mais qui laissent transparaître une volonté de finition quasi psychorigide. Le fait de jouer en « realtime », par exemple, en tenant compte de l’horloge de la Dreamcast, et de votre fuseau horaire… Si vous jouez à MSR le soir, il fera nuit à Tokyo et à Londres, mais jour à San Francisco, et inversement. Un peu vain. Tout comme les programmes (auto)radio diffusés pendant les courses, diffusant des plages musicales adaptées au background, genre brit-pop à Londres et r’n’b à San Francisco, et qui se brouillent fatalement lorsque vous passez sous un pont.
On devrait se méfier, forcément, d’une telle débauche de gadgets, si fun soient-ils. Ils pourraient fort bien faire office de cache-misère pour un jeu potentiellement bancal. Heureusement il n’en est rien. Le concept de MSR, quoique classique, est en béton armé, et amène tout de même son petit lot d’innovations.
Voici le topo : il faut aller jusqu’au bout de 250 courses, regroupées en 25 chapitres. Des défis très variés, de l’habituelle course contre la montre jusqu’aux championnats, pas moins de 6 types de challenges différents. Chaque défi remporté vous fait gagner des Kudos -« gloire magique » en grec, paraît-il-, des points qui permettent de débloquer les circuits suivants. Et dont la quantité dépend autant de vos capacités techniques que de votre style de conduite. Vous avez aussi la possibilité de reconfigurer les paramètres des courses, en vous imposant des handicaps par exemple. Un investissement certes plus risqué -le jeu fonctionne en « auto-save », ce qui est perdu l’est définitivement- mais qui vous permettra d’augmenter plus rapidement votre capital de Kudos.
Pour mener à bien votre longue quête jusqu’au chapitre final, vous avez à votre disposition plusieurs dizaines de voitures. Des marques connues (Toyota, Peugeot, etc.) mais aussi des véhicules plus inhabituels, comme ce bon vieux taxi londonien ou… une tondeuse à gazon ! Comme les courses, les voitures se débloquent au fur et à mesure, à chaque chapitre bouclé ou lorsque le contrat de certaines « Special races » est rempli. Les sensations de conduite sont particulièrement bien retranscrites, malgré une maniabilité très arcade. Et on ressent particulièrement bien les subtiles différences de pilotage entre les nombreux véhicules mais aussi selon les conditions climatiques (bruine, pluie, brouillard…) et les changements de revêtement (asphalte, gravier…).
Qu’est-ce qu’on pourrait bien reprocher à MSR finalement ? Pas grand-chose, des broutilles. Graphiquement, le jeu est beaucoup moins irréprochable que prévu. Les décors sont effectivement superbes et très détaillés, sans le moindre clipping à l’horizon. Malheureusement, ils ont furieusement tendance à pixelliser et à scintiller de manière très désagréable. Difficile dans ces conditions d’évaluer parfaitement les virages, et les obstacles. Quant aux voitures, elles sont plutôt grossièrement modélisées, genre minimum syndical. On pourra regretter aussi qu’elles restent toujours lisses et brillantes, même après plusieurs collisions. Tout ça est un peu trop clinique et sanitaire, à l’image de l’aspect désert et fantomatique des villes qui manquent tout de même de vie et d’agitation. Paradoxal pour un jeu qui se réclame d’un genre très « urbain ». On voit bien où se trouve le côté « racer » de MSR, mais on cherche encore le versant « Metropolis ». Bref rien de bien grave… MSR est diaboliquement addictif et bénéficie d’une durée de vie affolante. De quoi fermer les yeux sur un concept plus modeste -mais abouti- que prévu et des premières minutes de jeu un peu décevantes…