Le joueurs éduqué, « cognisenti », ne jouant que sur la Wii est un être contrarié, affamé. Maintenu en vie par le biais de productions « maison » mémorables mais espacées et de quelques bons jeux tiers, hélas aussi rares, il se jettera sur Lost winds comme la faim sur le pauvre monde. Grand bien lui fasse ! Indépendamment de la difficulté de la machine de Nintendo à attirer les projets ambitieux, il faut bien avouer que le premier titre Wiiware du studio Frontier, à hauteur de la libido intello-gamer, cumule des qualités quasi-pornographiques.
L’écran de démarrage s’ouvre le tableau charmant d’un gamin kawaï et poupin, habillé comme Ico, endormi au pied d’un cerisier en fleur. Malgré l’injonction habituelle « appuyez sur le bouton start », le joueur remarque immédiatement une légère brise provoquée par le faisceau de la Wiimote dans les branchages et sur les herbes hautes. Une introduction admirable au geste qui porte tout entier Lost winds et à l’élégance accentuée par un thème qui rappelle les partitions de Kow Otani (Ico, Shadow of the colossus).
Inspiration de qualité encore ; Lost winds, à l’instar d’Okami, propose un gameplay bicéphale. Le joueur y incarne à la fois Taku, un jeune garçon dont le village de Mistralis se voit menacé par le motif (très zeldaien) du démon séculaire et un esprit du vent, immatériel et simplement représenté par le curseur. Concrètement, Taku est contrôlé via le Nunchuck et l’esprit du vent via la Wiimote. De fait, le joueur utilise l’esprit du vent pour aider Taku à surmonter les obstacles d’un plateformer 2D au départ assez classique. Mais contrairement à Okami, le joueur use des deux gameplays simultanément. Un coup de Wiimote pour tracer une brise derrière lui et Taku saute plus loin, plus haut. Progressivement, les simples obstacles (une porte à défoncer, un lierre à brûler) se transforment en énigmes qui laissent la part belle aux expérimentations organiques et minérales farfelues. Néanmoins, leur facilité de résolution rapproche plus Lost winds de Wind waker que d’Oddworld inhabitant, par exemple. Même constat au niveau des combats : une fois maîtrisée la capacité à diriger le vent, les ennemis même nombreux sont trop rapidement éliminés pour constituer une quelconque menace.
Non, malgré sa direction artistique limite racoleuse à force de compiler tout ce qui avait séduit le joueur exigeant dans Ico, Okami ou Wind waker, Lost winds n’est définitivement pas un jeu réservé aux gamers chevronés. Tant mieux. C’est une proposition bucolique, une ballade sur des sentiers rêveurs et dans le ventre de cavernes puzzle. Une chasse aux trésors enchanteresse d’environ quatre heures et dont la plus belle pierre reste encore la promesse mouillée d’un second épisode. Une suite qui transformera l’excellente surprise, presque obscène à force d’étaler le bon goût de ses inspirations, en nouvelle référence classée du jeu d’action conjuguant le geste à la poésie.