Aux abris ! Un nouveau genre bizarroïde débarque du pays du Soleil-Levant : le survival-RPG… Fallait y penser. Deux genres on ne peut plus antinomiques que rien de prédisposait à la fusion ludique. Dans l’un, il s’agit d’éviter le conflit pour préserver ses munitions et sa santé. Dans l’autre, il est fortement conseillé de combattre frénétiquement pour augmenter ses capacités. A première vue donc, rien de bon à attendre d’un mariage aussi contre nature. Et pourtant, avec Parasite Eve, Square était parvenu à réaliser l’impossible, LE survival-RPG (quasi) parfait. Même si la mixture ne prenait vraiment qu’à partir du deuxième épisode.
C’est dire si on attendait Koudelka avec une toute relative confiance. D’autant plus que l’équipe de Sacnoth est principalement constituée de transfuges de SquareSoft, ce qui aurait plutôt tendance à nous rassurer… Hélas, ce qui distingue Square de ses concurrents et lui permet d’aspirer à ce label « qualité » dont il se prévaut, c’est le talent, et le pognon… beaucoup de pognon. Et manifestement, il manque à Sacnoth une de ces deux conditions pour parachever un défi qui semblait déjà quelque peu compromis sur papier.
Tout démarre pourtant sous les meilleurs auspices : Koudelka est une jeune gitane qui entend l’appel de détresse d’un fantôme. Celui-ci lui demande d’enquêter sur le monastère de Nemeton. Un endroit saint qui, bien évidemment, a été le théâtre d’événements indicibles, une sorte de prison politique souillée par le sang de pauvres bougres torturés et exécutés. Le scénario est alléchant, rien à redire de ce point de vue-là, d’autant qu’il tient parfaitement la distance. Son point fort, c’est d’obliger trois personnes qui ne peuvent pas se blairer -une médium athée, un prêtre fanatique et un voyou cynique- à cohabiter et à s’associer pour démêler une intrigue horrifique et complexe. Les dialogues, fort bien post-synchronisés en français, sont à ce titre particulièrement conflictuels et savoureux, et portent sur des sujets relativement « matures ». Notamment sur la religion. L’ambiance, très Nom de la Rose, est envoûtante et originale. Bref, on en salivait d’avance, enfin une alternative aux pompages romeriens de Capcom.
Pourtant, au bout de quelques heures de jeu, on déchante… Pourquoi ? Parce qu’à trop vouloir soigner l’ambiance, Sacnoth a levé la patte sur la jouabilité et accumulé à peu près toutes les erreurs à ne pas commettre dans le domaine du game-design.
Premier grief : les combats aléatoires. C’est déjà un procédé discutable au sein d’un pur RPG, genre Final Fantasy. Dans un survival, c’est la plaie absolue. D’abord parce que la « peur de la porte qui s’ouvre sur de nouvelles menaces » s’efface complètement au profit d’agressions aléatoires permanentes qui ne surprendront plus personne, tant leur fréquence est élevée. Ensuite parce que les nombreux allers-retours inhérents au genre se transforment en véritables calvaires. Le problème, c’est que ces phases de combats sont d’un ennui et d’une laideur absolue. Plus moche, c’est difficile. Pourtant les cinématiques et les phases d’exploration sont d’un niveau très acceptable. Mais question combats, les designers de Sacnoth se sont déchaînés dans le mauvais goût. Fond noirâtre, textures au sol gerbeuses, monstres ridicules et pixellisés. C’est moche, et en plus, c’est lent. A s’arracher littéralement les cheveux. Les personnages semblent parfois glander béatement entre chaque action, sans qu’on comprenne pourquoi. Du RPG-fight bas de gamme quoi, totalement déplacé dans un environnement SH. Totalement vain lorsqu’on le compare au système de combat composite très ingénieux de Parasite Eve 2.
Deuxième grief, peut-être le plus redoutable : cette sale habitude qu’ont les créateurs de jeux de considérer les sauvegardes comme une « récompense » pour les gamers les plus persévérants… Manifestement, il ne leur est jamais arrivé d’avoir autre chose dans la « vraie vie » à faire en pleine partie. Parce qu’ici, une fois qu’on a commencé, il faut atteindre le prochain point de sauvegarde très, très éloigné du précédent pour s’arrêter. Mais Sacnoth fait encore plus fort. Il place automatiquement la sauvegarde définitive -il y a tout de même quelques points de sauvegarde temporaire, merci du cadeau- après… un boss de fin de niveau ! Boss qui nous donne franchement du fil à retordre… On croit rêver !
Certains testeurs plus magnanimes diront qu’il s’agit juste d’être « patient » pour goûter pleinement aux joies de Koudelka. En fait, il faut vraiment être blindé, supporter les agressions incessantes, les combats d’un mortel ennui, et les mêmes parcours à réitérer plusieurs fois. Certes, Koudelka est sans aucun doute une belle expérience narrative, adulte, intelligente, tout ce qu’on voudra. Hélas, c’est aussi un jeu franchement médiocre.