Naughty Dog a abandonné son bébé. Crash bandicoot est désormais passé entre les mains de Travellers Tales qui a malheureusement fait preuve d’une surdose de fidélité quasi-religieuse en faisant passer au jeu la barre des 128 bits avec The Wrath of cortex. Il faut reconnaître que la PS2 n’est sûrement pas la console idéale pour les amateurs de plates-formes, malgré quelques beaux moments –Klonoa 2, Rayman, etc. Le terrain était donc vierge pour Naughty Dog qui pouvait recommencer à jouer les pionniers avec deux nouvelles futures mascottes, Jak et Daxter. Pari réussi, l’équipe de développeurs est parvenue à magnifier le genre et à le faire entrer dans le « troisième monde ». Jak & Daxter est une sorte de raccourci compilateur entre esthétique US (à la Disney) et nippone (à la Miyamoto), une croisée des chemins entre deux visions trans-Pacifique du même genre. Zelda à la rencontre du Roi Lion en quelque sorte…
Jak & Daxter n’est pas qu’un raccourci saisissant entre deux cultures, c’est aussi une bonne grosse évolution. Plutôt que de décomposer l’univers de leur jeu de plates-formes en niveaux, Naughty Dog s’est payé le luxe de créer un monde cohérent, soumis visuellement au temps qui passe et dans lequel le joueur est quasiment libre de ses mouvements. Le parcours se décompose en plusieurs zones dans lesquelles nos deux protagonistes devront effectuer un certain nombre de quêtes. S’ils atteignent leurs objectifs, ils seront récompensés par une pile d’énergie. Pour continuer leur progression, il leur faudra un nombre donné de ces piles d’énergie, généralement pour mettre en marche un mécanisme qui leur permettra d’accéder à la zone suivante. Le « plus » de Jak & Daxter, c’est qu’à l’intérieur de chaque zone, bois deux amis auront la liberté de choisir d’effectuer ou pas certaines quêtes, et dans n’importe quel ordre.
Un gameplay souple pour une jouabilité finalement assez old-school : pas de surprise, on ne dirige qu’un seul des deux protagonistes : Jak, aussi bondissant que mutique. Daxter, son compagnon transformé en ragondin Disney-style, se contente de faire le pitre et de sortir deux trois vannes. La cas classique du couple actif-passif. Le maniement de Jak se rapproche finalement de celui de Crash : double-saut, deux types d’attaques, la possibilité d’acquérir de nouvelles capacités grâce à une substance magique, l’Eco dont les effets varient selon la couleur : bleu pour une rapidité accrue, rouge pour plus de puissance, jaune pour lancer des boules de feu, noir pour… crever. Le gameplay est constamment enrichi grâce à une multitude de mini-jeux et de modes de déplacements (scooter, volatile, etc.). Du tout bon, si on ferme les yeux sur un petit manque de précision dans les sauts et une gestion de la caméra un peu rigide.
Mais c’est au niveau de la réalisation que Jak & Daxter se révèle vraiment bluffant. Un univers très vaste, soumis aux changements de lumière jour-nuit, aux variations climatiques. Un monde cohérent, sans transitions ni chargements, d’une beauté hallucinante malgré un décorum plates-formes relativement classique. Même constat au niveau de l’animation, Naughty Dog a le sens du détail qu’on ne remarque pas toujours en plein feu de l’action. Les mouvements de Jak et de Daxter sont impeccablement coordonnés. C’est évidemment un peu gadget puisqu’un des personnages ne sert à rien, mais il y a indubitablement une volonté de finition qui fait plaisir à voir. On peut aussi noter que la version européenne est enfin à la hauteur de nos attentes -un mode 60Hz, miracle !-, une fois n’est pas coutume. Bref, même si Jak & Daxter débarque dans une période particulièrement riche en hits pour la PS2, il symbolise presque à lui seul le réveil tardif de la 128 bits de Sony. Malgré une durée de vie limitée mais variable selon votre opiniâtreté -terminer le jeu à 100% n’est pas une sinécure-, et un côté cartoon-enfantin qui pourra en rebuter quelques-uns, Jak & Daxter est un des meilleurs softs de l’année.