Il y a quelque chose d’artificiel et de vraiment faux-cul au royaume des jeux musicaux. Est-ce dû à leur proposition de jeu pavlovienne / télécommande à gamer sous hypnose ? Avez-vous déjà vu un breaker de Dance dance revolution en pleine démo ? Je vous parle du danseur au look étudié en fonction du morceau qu’il a choisi. Je vous parle d’un type qui va tourner le dos à l’écran affichant les patterns frénétiques parce qu’il les assimilés par coeur. Je vous parle de ce genre de mec capable aussi de faire semblant de foirer sa « choré » juste pour faire marrer ses potes pendant que son score ne cesse d’afficher « PERFECT » en lettres capitales. Je vous parle du genre de joueur que je n’aimerais pas devenir. Le chien savant d’un horloger suisse. Un putain de robot. Non et puis merde, s’il n’y avait que ça… Les pratiquants de Donkey konga, de Gitaroo man ou même du très bon et méconnu Daigassou band of brothers en témoigneront : amateur de jeu musical ? Forcément, tu pratiques le bal musette et la Macarena, de la J-Pop bouche trou d’OST ou les grands airs de Bizet, sans aucune distinction. Comme si, au lycée, tu n’avais jamais porté les cheveux longs et ton tee-shirt de One (celui avec le foetus momifié) de Metallica. Comme si quand tu n’avais jamais été punk à plusieurs traînant aux Halles, et que tu ne t’étais jamais embrouillé avec les zoulous partisans de Louis Farrakhan. Bien entendu, ça ne vous tombe pas dessus du premier coup en ouvrant la boîte de Guitar hero. Comme lorsque, fasciné à 10 ans et demi, on rencontre son premier chevelu. On vit d’abord une phase d’intimidation. Dans le cas du jeu d’Harmonix, une guitare Gibson en plastique : trop grande pour être un jouet, trop bien finie pour ne pas être essayée « à vide », console éteinte.
Alors vient la sensation de « toucher » des frettes. Cinq touches de couleurs, largement de quoi mimer les trois accords de la discographie des Ramones. C’est une certitude : Il va se passer quelque chose. Une interface rock comme déjà vu dans le jeu de glisse SSX on tour, en moins « décalé ». Une simple liste de chansons griffonnées sur du papier et les premiers morceaux s’enchaînent : I love rock’n’roll de Joan Jett, Thunderkiss ‘65 des White Zombies et Infected de Bad Religion. Mais qu’est ce que tu crois ? Tu n’es pas un guitariste de rock, tu es une saleté de gamer, tu tapes sur des bambous, mec ! Te voilà redevenu le chien de l’horloger qui court encore après les aiguilles du rythme. L’esclave du pattern qui fait la-la-la avec la disto à fond. Assume ta soumission au beat, même sur du Rock. Surtout sur du Rock. Parce qu’en passant au niveau « moyen » de Guitar hero, il se passe vraiment quelque chose. Un truc bien. On pratique, on s’effondre sur Spanish castle magic, on se relève sur Ziggy stardust. Et ça n’a jamais été autant jouissif que maintenant, porté par le fougue d’un head banging idiot et défoulant. Belle revanche sur la vie même, pour l’ex gratteux de heavy metal humilé dans sa jeunesse par une pétasse moche et psychorigide qui lui expliquait le solfège. Or, c’est bien connu, le solfège n’a jamais rien compris au Rock. Cette libération de la lecture de la musique rock sans trahir son cri, cette libération inconditionnelle de son énergie, c’est précisément le cadeau d’Harmonix au monde. Et à tous les vieux jeunes qui, comme moi, se sont un jour demandés, devant un café ou pendant une coupure de pub, si We Are Sexual Perverts avaient finalement splitté, si je ne peux pas moi aussi, comme Tori Amos, reprendre Reign in blood de Slayer, à tous ceux là donc, Guitar hero donne des souvenirs de cave de répét’. D’avant l’au-delà, d’avant l’âge adulte. Quand on y croyait dur comme du métal.