Le constat vaut sans doute pour l’ensemble du jeu vidéo. C’est qu’en attendant de passer la prochaine vitesse, avec l’arrivée des PS4 et Xbox One, le jeu de course commence un peu à caler,  donnant le sentiment d’être arrivé au bout des deux voies prises ces dernières années: D’une le franchissement d’un nouveau palier graphique, culminant avec la reproduction fidèle de villes et véhicules (PGR, Forza et autres Gran Turismo…), et de deux, l’exploitation des possibilités de l’open world (Midnight Club, Forza Horizon, Test Drive Unlimited, Burnout Paradise…), qui aura su détourner le principe de la course vers les affects de la balade. Comme si pour l’heure tout avait finalement déjà été dit ou presque, GRID 2 débarque ainsi sans guère se démarquer de son aîné, sorti il y a déjà cinq ans déjà. Simplement, l’héritier de la série des TOCA Touring Car se contente d’une petite synthèse du genre, avec ses challenges variées qui permettent d’expérimenter tout un panel de modes de conduite, de l’agressivité des muscle cars au toucher plus soyeux et technique des concours de drifts.

 

Ce programme, GRID 2 l’agrémente naturellement d’une visite guidée à travers le monde, des  avenues de Chicago à celles de Dubaï, en passant par Paris, Barcelone, Hong Kong, ou Miami. Un petit tour du monde, qui au fond ne signifie pas grand chose, car dans cette manière de capter des signes du réel et juxtaposer notre réalité à l’écran, il n’y a plus rien qui, comme on disait, pourrait désormais surprendre. Au plus quelques détails qui accrochent l’oeil et qui font parfois faire décoller les yeux de la route, comme ses quelques effets de lumière ou les dégâts qui s’affichent sur les voitures au gré des chocs. Pour le reste, le jeu nous emmène dans des lieux en tentant de vendre un certain réalisme qui échoue cependant à transcender le plaisir de conduite, à l’exception peut-être de quelques routes sinueuses en côte d’Azur. Car pris le plus souvent dans ses environnements de ville musée (le pire étant atteint en Europe avec Paris et Barcelone), le jeu manque de folie, de grandes ligne droites ou d’une vision lointaine sur un horizon qui puisse griser le joueur, chose qu’un jeu comme Need for Speed : Hot Pursuit avait par exemple bien intégré, en brodant sur l’Amérique et ses paysages un espace fantasmé, propre à assouvir les désirs de liberté et de vitesse du joueur.

 

S’il ne faut pas chercher de nouveauté en son coeur, reste enfin le cadre pour distinguer GRID 2. Un cadre qui, fidèle à l’époque, suit la tendance du réseau social. A la place des scores, points d’expérience ou monnaie classiques, le joueur mesure sa progression en suivant un compteur de fans visionneurs sur Youtube (en bonus, le jeu propose d’ailleurs un accès simplifié  pour enregistrer ses vidéos). S’il fallait chercher une motivation à la course, le jeu donne cette réponse qui fait sourire devant son ridicule, en même temps qu’elle révèle la tristesse de notre époque. Tristesse quand on pense qu’aux balbutiements du jeu de course, un game designer comme Yu Suzuki (auteur du mythique Shenmue mais aussi Hang On, Out Run ou After Burner) concevait la course autrement. Signe que du bling bling et de la vulgarité des années 80, le jeu vidéo pouvait aussi tirer une forme de naïveté jouissive, Out Run proposait ainsi une fuite vers un horizon lointain où le défilement des paysages du monde était comme le prolongement perpétuel d’un trajet en Testarossa avec sa bien aimée. Des années 80 à maintenant, c’est une foule d’internautes qui a remplacé la fille à séduire, et les clicks anonymes les petits cœurs qui ponctuaient des drifts interminables. Autant dire qu’on ne joue plus pour être seul mais pour être vu, et il n’est pas sur qu’avec la prochaine génération de consoles, les choses aillent mieux de ce côté-là.