Rappel : Grandia a réussi là où Final fantasy 9 a récemment échoué en s’affichant comme un RPG nippon classique et compilatoire sans jamais tomber dans la redite et l’autocitation. En favorisant une certaine empathie avec son héros, jeune aventurier parti de son petit port provincial pour découvrir d’anciennes civilisations, Game Arts est parvenu à faire oublier l’académisme et la linéarité de son scénario et le caractère un peu cucul de ses personnages. Grandia est un grand RPG bon enfant, c’est dire si l’on attendait la suite avec impatience.
Si on le compare d’emblée avec son prédécesseur, Grandia 2 est hélas une petite déception. Il souffre d’un mal qui touche la plupart des RPG récents : l’incapacité totale de se renouveler et de profiter des nouveaux supports. Ce qui frappe le plus dès les premières heures de jeu, c’est un mimétisme à la limite de l’embarrassant avec le premier épisode. Même vue aérienne, même construction extérieurs-villes-donjons-retour à la case départ, même interface gentiment ringarde. Allez, à peu de chose près, si on évacue la joliesse du moteur graphique, cet opus aurait tout à fait pu être développé sur Saturn ou PlayStation. Les capacités de la Dreamcast ne sont utilisées que pour ravaler la façade. C’est tout de même un peu court.
Grandia 2 se contente un peu trop de jouer sur les mêmes tableaux que son illustre ancêtre, et la formule ne fonctionne plus comme autrefois. Que l’on se rassure : le dernier né de Game Arts, en période de renaissance difficile du genre post-disette, est probablement ce qu’on trouve de mieux sur le marché. Si l’intrigue peut paraître de prime abord un peu plan-plan -le réveil d’une divinité démoniaque qu’il faudra forcément abattre avec une épée sacrée-, elle réserve quelquefois de bien belles surprises. C’est que Grandia 2 se repose, comme le n°1, sur un scénario progressif. En clair, plus on avance, meilleur c’est. L’optique bondieusarde de la lutte entre le bien et le mal peut parfois sembler un peu forcée et mélodramatique. Elle permet au moins de laisser poindre quelques touches d’ambiguïtés bienvenues dans un festival de clichés. Les serviteurs du Bien paraissent souvent quelque peu rigides et fanatiques, quand ils ne tombent pas carrément dans l’Inquisition pure et simple. Certains méchants au contraire -la sublime Millenia qui possède le corps de la gentillette prêtresse Elena « in the Exorcist way »- sont nettement plus sympathiques, beaucoup moins droits dans leurs bottes.
Mais le point fort de Grandia 2, c’est indéniablement son système de combat, mix de temps réel et de tour par tour incroyablement dynamique. Les améliorations sont minimes par rapport à celui du premier épisode. Pour autant, elles sont largement suffisantes pour en faire le meilleur de sa catégorie. Beaucoup moins systématiques -plus la peine d’utiliser tel sort ou telle technique à mauvais escient pour les faire évoluer-, un peu plus stratégiques, les affrontements auraient sans doute pu être un tant soi peu plus difficiles, histoire de profiter pleinement de leur richesse.
Au niveau de la réalisation, le constat est plus mitigé. Pour compenser la relative fadeur des donjons, les designers se sont littéralement lâchés sur les villes. Certaines sont véritablement sublimes -ah, la cathédrale de Granas et son architecture virginale et mégalo ! Evidemment, tout ça est encore un peu trop polygonal, à l’image de ces héros cubiques et inexpressifs -pourquoi diable sont-ils dépourvus de bouche ?-, mais certains effets lumineux et la beauté des textures émerveillent nos rétines pourtant blasées par la magnificence d’un Shenmue ou d’un Phantasy star online. Il ne manque pas grand-chose à Game Arts pour faire jeu égal avec Squaresoft. Peut-être éviter certaines fautes de goût, comme ces cinématiques trop compressés ou ces incrustations d’animations un peu déplacées, surtout lors des combats.
Bref, si Grandia 2 ne comble pas vraiment toutes nos attentes, il se place tout de même dans le peloton de tête dans le genre RPG traditionnel. Evidemment, on pouvait espérer moins de linéarité, plus d’originalité. Un jeu idéal tout de même pour patienter jusqu’à l’imminente sortie de Skies of Arcadia, qui devrait, on le souhaite ardemment, se placer un cran au-dessus.