Le problème avec Hokuto no ken, sans juger l’oeuvre mythique de Buronson et Hara, c’est son fan. Grand traumatisme télévisuel du kids né entre 75 et 85, la série médiévale apocalyptique et culte du Club Do a généré, tout au moins chez nous, une génération d’otakus impitoyables avec tout ce qui ne respecte pas l’esprit originel. De quoi penser que l’invention du fan est l’une des plaies du XXe siècle, avec le geek, l’un n’allant pas sans l’autre, tous deux voués à l’auto anthropophagie, donc au no future, sans le punk. Il faut toutefois l’admettre, le Fist of the north star qui nous intéresse ici n’est pas une grande adaptation d’Hokuto no Ken, Koei ne sublimant ni le manga ou l’anime par des moyens à la hauteur des fantasmes que la série peut produire. Pourtant, cette nouvelle tentative (d’autres dont un excellent Vs par Arc System Work sur PS2 ont précédé) est parfaitement cohérente. Sans révolutionner le beat ’em all sur lequel il repose, le jeu de Koei s’avère un titre honnête et plaisant à condition d’accepter ses défauts, sans faux semblants.
Otons d’abord un malentendu : Fist of the North Star est avant tout un Muso, donc un Dynasty warriors dans l’univers de Ken (le titre original est limpide : Hokuto Muso). Son mode de jeu principal reprend ainsi celui usé jusqu’à la corde par Koei, qui n’en est pas à son premier cross over puisque Gundam est déjà passé par là. Une fois les choses clarifiées, toutes déceptions sur la qualité technique du jeu comme son gameplay peuvent être considérées comme nulles. Koei dont on connaît la réputation ne ment pas sur la marchandise, malgré une localisation trompeuse valorisant un autre mode de jeu, plus classique et basé sur le manga (quand l’autre imagine un récit alternatif). La faute sans doute à une stratégie commerciale, le jeu hors Japon perd toutes références à ses fondations musoistes qu’il est impératif de resituer. Des deux modes, le Muso est celui que le jeu favorise, question d’identité et de public nippon visé. Mais ce n’est pas celui qui nous intéresse. On préfère le story, en un sens plus paresseux et opportuniste puisqu’il se contente de recycler les niveaux du Muso mais découpés en couloirs de façon à créer un cheminement linéaire. Il faut être honnête, en terme de level design, Fist of the North Star frôle le zéro pointé, mais ce n’est pas grave. Tout comme l’environnement apocalyptique est parfois terne, répétitif, limite laid, le jeu conserve un cachet qui malgré ses faiblesses traduit bien l’univers dont il s’inspire. C’est moche ? Oui, un peu, comme la série TV en son temps. Puis l’apocalypse thermonucléaire n’invite pas spontanément à la beauté et des décors luxuriants.
Fist of the North Star a tout du jeu fauché, peu fédérateur ou sexy. Alors d’où vient que malgré ses défauts en pagaille, on l’aime bien, ce Hokuto Muso ? Peut-être parce que le jeu de Koei est une vraie proposition de beat à l’ancienne. On est à des années lumières de God Hand, empereur du genre et meilleure adaptation officieuse d’Hokuto no Ken. Mais n’empêche, le jeu maintient son petit cap, ciselé dans la fonte d’un gameplay évolutif laissant une marge de progression honorable. La lenteur d’abord un peu rédhibitoire du personnage (Ken, d’autres plus véloces sont à débloquer) se laisse apprivoiser sans déplaisir. Elle s’estompe progressivement pour laisser place à une jouabilité réactive, avec des commandes claires répondant vite et sans broncher, malgré la masse d’ennemis – pour la plupart les habituelles bandes de punk post Mad Max. Combos, esquives, furies (inévitablement inspirées des super techniques martiales du manga), le jeu n’a pas plus de prétentions que proposer un panel basique mais solide de coups pour une difficulté graduée. Alors après oui, les cut scenes lors des attaques spéciales renvoient à l’ère de la Super Nintendo (DBZ et Captain Tsubasa). C’est cheap, tout comme les fatalités façon QTE pour achever les boss font pitié. Pourtant, en dépit de tout et malgré une certaine linéarité ou des phases de plateforme inutiles, le jeu se laisse parcourir comme un Final Fight, l’éventail de coups et la large customisation du personnage en plus.
Beat’em-all old school un peu malgré lui, puisque son mode story n’est finalement qu’une conjonction bâtarde avec le Muso, Fist of the North Star assume sa mécanique de marteau piqueur abrutissante. En cela il est fidèle au genre tel qu’il était, ou presque, vingt ans en arrière, et se présente comme une anomalie en 2010. Pour lui laisser sa chance, il faut un minimum d’indulgence à l’égard d’une formule aride dont l’esthétique est rendu involontairement logique en s’accomplissant via son matériau d’origine. Tel un trou de vers, ce Hokuto Muso ouvre une brèche temporelle : le jeu actualisant sans perte le souvenir de l’anime, il est techniquement et formellement fidèle aux moyens utilisés par le passé. Ainsi toutes les faiblesses du titre de Koei sont en conformité avec des standards d’une autre époque, mais sans le pénaliser. L’intérêt étrange de l’objet résidant dans cette faille séculière obligeant à un gameplay sec, répétitif, dans un univers post nuke moyenâgeux dont l’essence primitive rejoint celle du jeu. Fist of the North Star n’est jamais spectaculaire, sans mise en scène, comme s’il s’acharnait à affaiblir les potentialités délirantes à tirer de son matériau. Et pourtant il semble fait du même bois, à la fois riche et pauvre, sous-produit vaguement déviant d’une pop culture gentiment dégénérée.