Fusionner le monde des consoles avec celui des PC : il semblerait que ce soit, en dehors des velléités commerciales de Krosoft, l’ambition ultime de la Xbox. Pour le moment, cette quête du Graal conceptuelle se limite à quelques tentatives superficielles. Soit, avant tout, introduire sur console l’univers heroic-fantasy à l’occidentale avec des titres phares tels que Morrowind et Fable. Appliquer ensuite, de façon quasi systématique, la maniabilité FPS « un stick pour bouger, l’autre pour viser » à la ludothèque de la Xbox. Même les japonais s’y sont mis, avec l’insurmontable GunValkyrie, c’est dire. Hélas, le genre convient naturellement mieux au binôme clavier-souris. Il n’y a qu’à voir l’échec patent sur une console concurrente de jeux tels que Max Payne, No one lives forever ou Medal of honor. Enclave, en tous cas, tente de syncrétiser ces deux mamelles de la PC-isation des consoles. Problème : il le fait très mal.
Manichéisme bas du front, emballage médiéval-fantastique ultra-classique, Enclave renifle le vieux RPG PC qui se néglige. Heureusement, si l’esthétique n’est pas transcendante, le jeu assure techniquement. Textures hautement détaillées, ambiances lumineuses irréprochables, le jeu pourra au moins tenir lieu de démo technique pour la Xbox. Hélas, les développeurs de Starbreeze n’ont pas su associer plaisir de la rétine avec plaisir de jeu. Enclave se décompose en plusieurs missions, dans lesquelles le joueur doit se frayer un chemin en cassant du gobelin ou du chevalier selon la campagne choisie -du côté de la Lumière ou des Ténèbres. L' »enclave » en question étant un petit coin de paradis pour quelques privilégiés, protégée par une immense faille qui se rétrécit de jour en jour et laisse passer les infortunés serviteurs du démon qui vivotent tant bien que mal dans les terres extérieures nettement moins accueillantes. Cousin éloigné d’Heretic et d’Hexen, Enclave peut se jouer comme un FPS à l’arme blanche ou un beat’em-up à la 3e personne selon la vue choisie, interne ou externe. Aucune des deux possibilités n’est malheureusement idéale : le jeu souffre d’un système de combat confus et approximatif sur la base d’un « moi-frappe/moi-recule » atrocement brouillon. Pas totalement déplaisant à jouer pour autant, mais les concepteurs ont crû bon de rallonger la sauce en instaurant une progression de la difficulté assez radicale. Soyons clairs : c’est souvent incroyablement « salaud ». Pas de sauvegarde au cours d’une mission, peu de check-points, vous mourrez, vous recommencez depuis le début. D’autant plus frustrant que le level-design est des plus vicieux : embuscades surprises et meurtrières, ou pièges indétectables qui font passer de vie à trépas sans la moindre sommation. Le tout bien évidemment placé en fin de niveau, histoire de donner des envies de meurtres au joueur qui a fourni une somme phénoménale d’efforts pour se maintenir en vie. Les différentes classes qui se débloquent au fur et à mesure de la progression dans le jeu n’y change rien. Guerrier, archer ou mage, aucune classe ne viendra changer la donne : lenteur et approximation contre des ennemis beaucoup plus lestes et semblant pouvoir porter une estocade même lorsque vous vous croyez hors de portée.
Frustrant, parfois buggué et souvent mal foutu, pas assez détaillé dans ce qui tient lieu de composante RPG -en fait un magasin d’équipements en tous genres, avare en descriptions : « ça fait mal », « ça fait un peu plus mal », « ça fait très très mal », merci pour les précisions-, Enclave loupe le coche de la killer-app de plusieurs longueurs, souffrant d’une trop grande carence en matière d’intelligence de game-design. C’est dommage, ne serait-ce que pour la beauté des décors et un gameplay qui finalement en vaut bien un autre.