Là où le cinéma nourrit son imaginaire de romans, récits biographiques ou faits divers, le jeu vidéo fut toujours alimenté par un certain folklore populaire bordélique, que d’aucuns s’empressent souvent de qualifier de « geek ». Heroic fantasy, japanimation, Lego, comics, sont autant d’influences diffuses, revendiquées et agglomérées dans un médium composite à la cohérence fuyante ; comme autant d’hommages rendus dans une hystérie référentielle généralisée aux pères fondateurs d’une culture bâtarde. De fait, dans le jeu vidéo, la question de l’adéquation entre le support (ses règles, ses moyens) et le matériau d’origine ne se pose jamais vraiment, l’automatisme prévaut. Osons aujourd’hui se le demander avec l’épisode annuel de Dragon Ball : et si, tout simplement, l’univers d’Akira Toryama n’était pas destiné à prospérer sous sa forme ludique ?
On l’accordera volontiers, balayer d’un revers de main les excellents épisodes Tenkaichi ou même les osés Origins sur DS peut sembler audacieux, voire effronté. Pourtant Xenoverse ne fait que renforcer l’aura fataliste qui entoure la franchise depuis son transport mouvementé sur septième génération. Pas par manque d’inventivité. Dos au mur après les navrants Battle of Z et Burst Limit, Bandai Namco opte même pour une formule revigorante, mêlant MMO et fighting-game dans une sorte de carnaval online à la gloire de Sangoku et sa bande. Non, plutôt, Xenoverse donne le sentiment que malgré tous les artifices employés, après avoir épuisé toutes les solutions et paradigmes possibles, rien ne semble jamais pouvoir réconcilier les combats épiques de super saiyen avec l’odyssée Dragon Ball. Celle du labeur, de l’exotisme, de l’aventure. Systématiquement essentialisée dans ses affrontements, ses clashs entre bien et mal, la licence fut faite prisonnière des impératifs mécaniques du jeu de combat, éludant ainsi tout un pan, majeur, de l’œuvre originale. Résultat, le fan-service dégoulinant qui régit les adaptations en jeu vidéo n’en finit plus d’atrophier un chef d’œuvre de la bande dessinée japonaise, au point d’ériger des ersatz unidimensionnels comme Xenoverse – parmi d’autres – au rang de norme auprès des non-initiés. Ici, comme souvent, le jeu vidéo croit honorer, quand en réalité il nivelle par le bas tout en réécrivant l’histoire selon ses prérequis.