Du jeu en lui-même ou du périphérique qui lui est associé, qu’est-ce qui compte le plus dans Donkey konga ? Les congas, évidemment, ce gadget en forme de paire de tams-tams, objet plastoc informe qui rejoint le nain de jardin et la boule avec de la neige dedans au panthéon des objets ringards. On ne sait d’ailleurs jamais comment les utiliser dans des conditions de confort optimales ces joujous hi-tech relookés Fisher Price. Posés sur une table basse ? Ca glisse… Coincés fermement entre les cuisses ? Bizarre… Quelle que soit la position adoptée, on se sent forcément un peu ridicule avec ce truc entre les mains. On éteint la lumière, on ferme les rideaux, et on fait cette chose un peu honteuse qu’on préfère effectuer loin des regards indiscrets : jouer à un jeu qui n’est plus de notre âge. Très vite, pourtant, le ridicule s’estompe. De toute façon, une fois qu’on s’est compromis devant Britney’s dance beat, on est définitivement hors-concours. On se laisse hypnotiser par les pastilles qui défilent devant nos yeux, de plus en plus nombreuses, de plus en plus rapides, pour nous indiquer sur quel conga taper -gauche, droite, les deux en même temps, frappe dans tes mains. Comme le fan le plus hardcore de Championship manager qui se laisse happer par ces fascinants (?) matchs de foot opposant des bullettes de couleurs rouges et bleues. Toute honte bue, on en oublierait presque notre corps pour devenir un pur esprit, partagé entre réflexes pavloviens et sens du rythme. La rétine se dilate, l’œil s’exorbite, le cerveau bouillonne, les neurones explosent et les mains s’agitent. Le plaisir est intense, profitons-en, on va très vite s’en lasser.
C’est idiot, mais le jeu ne parvient pas tout à fait à être à la hauteur de son concept et de son périphérique. Un manque de fantaisie, de folie, de cohésion musicale. Sérieusement, il faudrait pendre le type qui s’est occupé de la playlist de la version européenne. On ne sait pas trop ce que Supergrass vient faire là, perdu au sein d’improbables standards latinos, de la variétoche internationale qui sent l’urine de vieux, et des hits made in Nintendo. D’accord, la J-Pop, c’est un peu trop exotique pour nos délicates oreilles occidentales, mais quand même… Est-on obligé de supporter cette programmation mainstream-fadasse ? Et comment ne pas aborder le lourd problème de l’esthétique du jeu, inspirée de Donkey Kong country ? A l’époque, les graphismes du fameux jeu de plates-formes de Rare avaient pour mission de contrer la menaçante PlayStation de Sony en proposant sur une SNES en fin de vie une sorte de 3D simulée à base de sprites désignés sur Silicon Graphics. C’était impressionnant. Techniquement. Visuellement, ça a pris un sacré coup de vieux. Osons le dire, c’est moche.
Pas de quoi ceci dit en faire une affaire d’état : Donkey konga est un jeu correct. Sans plus. Un passe-temps convivial, sans le génie de Samba de amigo, l’originalité de Gitaroo man, ou la sexualité acidulée de Space channel 5. C’est tout de même un peu court pour rentabiliser ce magnifique objet qui semble condamné à moyen terme à rejoindre sur une étagère les fabuleux cadeaux que nous envoient les attachés de presse : onigiris en plastiques, figurines cheap ou mini-GameCube en mousse. Une suite est sur les rails, elle sera sans doute aussi « correcte » que son prédécesseur, n’en doutons pas. Ca ne suffira pas. Seule lueur d’espoir : Donkey jungle beat, jeu de plates-formes dévoyé, descendant indirect de Donkey Kong country, destiné à être joué avec les congas… Qu’on ne s’excite pas trop vite : le concept est indéniablement original, le résultat ne demande qu’à convaincre, mais le procédé est anecdotique. Quoi qu’on fasse, le périphérique de Donkey konga est une denrée périssable, une autre façon de penser l’ergonomie, minoritaire, marginale, mais paradoxalement moins effrayante que ce joypad tyrannique et intimidant. Juste une merveilleuse aberration vidéoludique de plus.