De Guitar freaks à l’incompris Wii music, l’émancipation ludique et l’envol commercial du jeu musical constituent avant tout un affranchissement du geste autrefois inféodé aux manettes classiques. Et c’est sans doute la raison de l’échec de Wii music, avoir voulu porter le genre vers une autre sphère grammaticale (celle de l’improvisation) en négligeant la pierre de voûte de son plébiscite, la fétichisation de l’instrument. En somme, l’évolution du jeu musical de ces cinq dernières années est une histoire de la libération du geste par un co-substantiel nouveau culte de l’accessoire.
Mais ici encore, le terme d’accessoire se révèle impropre tant son rôle s’avère crucial dans la réussite de ce qu’on pourrait considérer, de prime abords, comme une simple et nouvelle déclinaison à la sauce electro de Guitar hero. Et quelques manipulations au sortir de la boîte de l’élégante et robuste platine, suffisent pour comprendre que c’est toute une éducation manuelle à refaire. Seul point commun avec la lignée des Guitar Hero, les boutons colorés à presser au rythme où ils défilent à l’écran. Une configuration à combiner en mode « facile » avec du scratch, un d’effet grave/aigue et l’équivalent du star power. Mais gare ! Même si les morceaux ne sont plus interrompus en cas d’échec (un parti pris étrange mais privilégiant le scoring) le pic de difficulté de « facile » à « moyen » à de quoi donner le vertige. L’introduction du cross fader (alternance des pistes) y récompense la virtuosité du joueur par un résultat sonore à la hauteur de l’effort, transformant, petit à petit, en véritable laboratoire du contre temps une centaine de mash up (Rihanna / The Killers, Justice / Dizzee Rascal, David Bowie / 50 Cent… entre autres). De fait, pour la première fois dans l’histoire de la licence Hero, le joueur se voit vraiment récompensé à chaque palier de difficulté franchi par un résultat musical sensiblement plus complexe et riche en digression. Un magma sonore aiguisé qui tutoie parfois, au niveau le plus élevé, une forme d’abstract rythm.
Si au final, Dj hero s’avère plus casse gueule dans son concept (plus exigeant physiquement et mentalement) que sa lignée patronymique; il lui fait également honneur avec une track list à se damner, de prestigieux guests avatarisés et une courbe de progression hard-core dont les superplay ne tarderont pas à faire les beaux jours de Youtube. Malgré son prix prohibitif, l’absence d’un éditeur de mash up ou quelques entorses contextuelles faites à la culture clubbing (laisser des blancs entre les mixes, par exemple), Dj hero s’impose comme une expérience ludico musicale de tout premier ordre. Et une nouvelle association d’une cohérence rien moins qu’évidente, d’une classe légitimement crâneuse, du geste à l’instrument.