Le grand Sid Meier, géniteur du tout premier Civilization, puis de sa remarquable suite (Civilization 2) s’en est allé vers d’autres horizons. Activision a repris le concept, forcé de transformer le jeu, d’en revoir globalement les apparences et l’interface en particulier. Ambitieuse production que cette dernière mouture du meilleur jeu de stratégie/gestion de tous les temps. Le dirigeant que vous êtes doit effectivement superviser ici le développement d’une civilisation naissante et primitive, jusqu’à la conquête de l’espace au 31e siècle ! « Marquerez-vous l’histoire sur plusieurs milliers d’années ? » nous dit le dossier de presse.
L’histoire commence, comme dans les versions précédentes, avec un unique colon. Celui-ci pose la première pierre, première ville, de votre civilisation. L’ennemi, car vous n’êtes toujours pas seul au monde, en fait de même : deux autres peuplades s’étendent effectivement sur la carte. Chacun évoluant à son propre rythme jusqu’aux premières rencontres décisives, les intentions étant tantôt amicales et bénéfiques (le commerce, la science), tantôt belliqueuses. Vous remportez la partie si vous détruisez les peuplades adverses ou si vous atteignez l’an 3000 en devançant techniquement et financièrement les autres civilisations.
Facile ? Non, c’est même plutôt affreusement complexe. Rien à reprocher à l’interface, qui certes n’a plus grand chose à voir avec celle de Civilization 2, mais s’avère être à l’usage tout aussi commode. La difficulté ne vient donc pas de l’utilisation, mais du jeu en lui-même. Les vieux concepts sont dorénavant plus développés, une quantité hallucinante d’unités composent vos troupes (pêle-mêle : abolitionniste, prêtre, diplomate, cyberninja, contamineur, avocat, mousquetaire, canon, intercepteur, drakkar, chasseur spatial, sous-marin furtif…) et de nouveaux progrès font leur apparition : la jurisprudence -pour les tribunaux et les samouraïs-, l’otique -construction d’horloges mécaniques-, l’écologie -pour les usines de recyclage-, etc. Mais c’est évidemment sur l’ère génétique et l’ère du diamant que les concepteurs se sont sans aucun doute le plus penchés. L’écotopie (les écoterroristes), la robotique (pêcheries automatisées, faucheur), le clonage humain (centre d’incubation), le génie génétique (cuve de bœufs, parc de dinosaures), etc. D’une simple théocratie, on passe aux alentours de l’an 3000 à une démocratie virtuelle. Avant d’en arriver là, on aura goûté à la monarchie, à la république, à la démocratie, au communisme, au fascisme, à l’écotopie, à la république corporatiste, à la technocratie. Stoppons là la litanie, impossible de décrire ici toutes les possibilités du jeu. Pour se faire, il faudra jouer… longtemps. A moins d’opter pour le « mode triche » dont on peut maudire l’existence : à tout moment, en cours de partie, vous pouvez accélérer le processus d’évolution en vous adjoignant à l’infini de l’or, du personnel pour les travaux public, de nouvelles unités -dans ces conditions, un destroyer à plasma peut tout à fait venir renforcer vos troupes de légionnaires par exemple !?-, de nouveaux progrès. De quoi réduire sensiblement la durée de vie du soft, car une fois toutes les subtilités du jeu découvertes, on y reviendra plus. Méfiance donc.
Que vous soyez en 2000 avant ou après J.C., les ressources primordiales à un bon développement sont les mêmes : l’or, la nourriture et la production. D’autres facteurs, en plus de l’accès à ses ressources, influent directement sur la destinée des civilisations, comme la proximité de populations rivales ou encore la distribution du travail et des biens. C’est à vous de déterminer la quantité de rations allouées aux habitants, les salaires et le nombre d’heures de travail. L’objectif étant de maintenir en permanence un certain degré de bonheur dans la populace, histoire d’éviter toute révolte incontrôlable et dévastatrice. Mais le bonheur, c’est surtout la condition sine qua non d’une bonne et rapide évolution. Pour peu que l’on prenne bien soin de limiter les catastrophes locales ou mondiales essentiellement dues à la pollution. A noter que les conseillers ont disparu, mais curieusement, on s’en passe plutôt bien. Signalons enfin une amélioration graphique (on en attendait pas moins) et des musiques d’accompagnements qui illustrent les différentes époques (en boucle, on s’en lasse assez vite quand même).
Pour sûr, Civilization CTP simplifie un tant soi peu les principes d’évolution philosophique, politique, économique et social. On ira tout de même pas jusqu’à louer ici un quelconque intérêt pédagogique. Il n’empêche qu’on atteint là une nouvelle étape dans le jeu de stratégie/gestion. De ce point vue, et c’est bien celui qui nous intéresse ici, le jeu est une réussite incontestable. Sans Sid Meier, pas mal.