D’un épisode à l’autre de Call of Duty, on peut toujours voir progresser ce même fantasme d’une fin fracassante et apocalyptique de l’Amérique. Une fin à la fois que le joueur doit sans cesse concrètement ajourner en faisant tout exploser pour sauver la patrie. Et une fin surtout reposant sur un certain repli face au monde extérieur : des plages du débarquement du premier épisode jusqu’à Modern Warfare et Black Ops où s’agitent la menace du terrorisme et d’une troisième guerre mondiale, toute la licence est parcourue par ce grand traumatisme américain de voir le pays sombrer. Le FPS guerrier star serait-il finalement un grand jeu psychotique ? Toujours plus loin, le début de Call of Duty Ghosts laisse penser qu’Activision se serait finalement décidé à franchir le pas en osant aller plus loin dans la politique fiction, voyant la domination du monde basculer vers le sud, ultra-moderne, face aux décombres d’une Amérique post-apocalyptique digne de The Last of Us. Démarrant en trombes dans une San Diego martelée par une pluie de métal venue d’une station orbitale pulvérisée, le jeu commence ainsi étonnement bien. Et semble même tenir toutes ses promesses de voir, enfin, ce grand trauma se matérialiser dans toute sa dimension délirante et spectaculaire.
Tout cela, le jeu l’établit selon les règles d’un confort passif et un côté immédiat expliquant encore et toujours son immense succès (solo mais aussi multi, simple et nerveux, comme c’est de tradition avec la série). Si dans Call of Duty, on se laisse aller à se retrouver matraqué d’ordres qui nous disent en permanence quoi faire et où se diriger, c’est ainsi au nom d’une certaine esthétique de la vitesse et du bruit qui fait de l’espace une ligne droite où tout explose (avec en paradigme les phases de rail shooting en véhicule ou encore la poursuite dans la favela de Modern Warfare 2, l’un des meilleurs passages de la série). Seul problème, ici, Ghosts ne tient guère sur la distance de son mode solo, pourtant bien court de quelques heures. Ejaculateur précoce, le jeu cherche après son bon départ à relancer la machine, mais ne fait que répéter des gammes déjà trop vues sur une génération de consoles en fin de vie. Bien conscient de son essoufflement technique (à moins qu’il ne soit qu’un trait d’union vers la next gen, où il est aussi prévu), le jeu essaie pourtant de compenser par quelques idées, mais celles-ci s’avèrent à l’arrivées toutes assez peu judicieuses par rapport à l’esprit de la série : des niveaux de shoot dans l’espace, des passages en sous-marins trop mous, un final multipliant les points de vue débouchant finalement sur autant de cassures de rythme gênantes. Un peu comme si en fin de compte, à l’horizon atteint de l’Amérique brisée, le FPS guerrier n’avait plus rien à dire.