« The operation timed out when attempting to contact www.acclaim.com« . Eh oui, Acclaim est mort, et avec lui un talent qui irradiait de sa lumière bienveillante l’industrie du jeu vidéo. Je veux bien sûr parler de son département marketing. Après le merveilleux épisode du bébé Turok, il proposait, le 11 octobre 2002, de rembourser les amendes pour excès de vitesse contractées par les joueurs pour fêter dignement la sortie de Burnout 2 : Point of impact. C’est vous dire s’ils étaient cons, les marketeux d’Acclaim. Confronté à ce monument de sauvagerie qu’est Burnout 3, on se prend à y voir un hommage au génie de ses anciens publicitaires. Adolescent, assourdissant, parfaitement abruti : trois qualités qui vous explosent au visage après quelques heures passées sur la dernière production Criterion. Du vrai jeu vidéo AAA, de ceux qui-rivalisent-avec-le-cinéma, prêt à envoyer Taxi, Fast and furious et 60 secondes chrono droits dans le mur. Tombé dans l’escarcelle d’EA comme un gentil cadeau bonus à Renderware, le titre fait en tout cas montre d’un bel esprit d’entreprise : passer d’un jeu d’arcade reposant sur la conduite à un no-brainer pour gladiateurs de la route, voilà qui colle admirablement avec l’image du géant américain.
Burnout, c’était, la plupart du temps, une prise de risques calculée. Coup de bourre en sens inverse, trafic omniprésent, esquives au millimètre… Si les fondations de la série, à savoir la conduite de Jackie, sont toujours présentes, c’est l’appel de la tôle froissée qui prédomine ici : tamponner férocement vos concurrents permet de remplir sa barre de boost sans se fouler. Dès lors, plutôt que de jouer contre l’environnement, les courses principales ressemblent souvent à une joute motorisée entre six abrutis complètement irresponsables. Ce qui, bizarrement, n’exclut pas une IA satisfaisante. Vos adversaires revanchards nourrissent une animosité à l’encontre du pilote qui les chauffe un peu trop et il leur arrivera même de foncer droit dans le mur sans qu’on ait à leur forcer la main.
Paradoxalement, ce que ce troisième épisode gagne en destruction, il le perd en sentiment de danger. Tandis que le pilotage est relégué au second plan, le crash acquiert une place prépondérante. Customisé, surgonflé, l’accident abandonne son caractère punitif, au risque, dans certains cas, de devenir une récompense. L’aftertouch offre ainsi un contrôle en temps réel sur votre véhicule pendant l’accident et permet de barrer la route à ses poursuivants. Impossible de minimiser l’impact visuel et sonore de ce ralenti terriblement sensuel, votre carcasse fendant l’azur dans des trajectoires sublimes, portée par un long ronronnement filtré. Burnout 3 offre un parfait compromis entre technique et gameplay. Sa mise en scène bouffie d’esbroufe a beau être indissociable de l’expérience de jeu, on n’a jamais l’impression d’être face à une belle coquille vide.
Car les courses principales ont beau avoir cédé à l’appel des auto-tamponneuses, Burnout 3 fait preuve d’une étonnante diversité. Des spéciales aux épreuves par élimination en passant par le mode « Crash », il exploite avec maestria son système de jeu, passant sans faillir de la destruction au pilotage pur. Les nombreux véhicules, les nombreuses épreuves et la possibilité de jouer avec ses MP3s en fond sonore témoignent d’un réel souci de finition. A part un mode multijoueur en écran splitté proprement pénible et un mode Xbox Live pas très fiable, nous voilà face à un titre solide, qui a surtout l’avantage d’être seul dans sa catégorie. Si sa généalogie est facilement identifiable, de Chase H.Q. à Destruction Derby, son parti-pris arcade et son penchant pour l’accident n’ont pas de réel équivalent dans le paysage vidéoludique actuel. Accessible, d’une réalisation sans faille, Burnout 3 joue de sa nervosité comme de son exubérance visuelle pour attirer le chaland et, fait rare, ne ment pas sur la marchandise. Véritable ode à l’excès, la saga de Criterion se fait le réceptacle de notre bestialité honteuse pour inaugurer une nouvelle forme de pornographie.