FPS post-Halo ou rogaton survitaminé des jeux tactiques / coopératifs à la Conflict : Desert storm ? Avec un nom aussi délicat que « Brute force », le jeu de Digital Anvil semblait s’être condamné d’emblée à suivre la première option… Comprendre : à ne pas faire dans la dentelle. Pourtant, Brute force a maintenu vaille que vaille le cap sur son concept fusionnel de départ, entre furie et réflexion. Un concept qui ne nous a jamais mis l’eau à la bouche, il faut être franc. Mais à force de nous enfoncer dans le crâne que Brute force allait enfin relever le niveau d’une ludothèque Xbox un peu bancale, Microsoft avait fini par nous persuader qu’on vivrait, au minimum, une expérience un tant soit peu intéressante et inédite. Pas de bol, Brute force est un échec. Et ses nombreux paradoxes ne se limitent pas à son décalage patronymique.
Seule promesse tenue : Brute force pompe effectivement Halo dans ses grandes largeurs, sous le regard bienveillant de Bungie. Si on met de côté la dispensable vue à la troisième personne et une gestion d’inventaire plagiée sur celle des Metal gear solid. Forcément, il n’y a donc, de fait, pas grand chose à redire sur la maniabilité typée FPS, impeccable mais sans surprise. Le problème majeur de Brute force est ailleurs, la faute à des choix de game-design totalement incompréhensibles de la part de ses concepteurs, dont on a l’impression qu’ils n’ont jamais très bien su quel genre de jeu ils voulaient faire. Un jeu tactique / coopératif ? Sans doute puisque les quatre membres de l’équipe ont des caractéristiques plus ou moins complémentaires : Tex, le G.I. bourrin, peut tirer avec deux armes à la fois ; Brutus, le lézard mongol, dispose d’une vision thermique et d’un système de regénération ; Hawk, le quota féminin du groupe, est la reine de l’infiltration ; et enfin, Flint, une androïde bien roulée, peut sniper une mouche anorexique sur plusieurs kilomètres de distance. Malheureusement, on s’aperçoit bien vite que les concepteurs du jeu n’ont pas déployé des trésors d’inventivité pour exploiter cette complémentarité. Lacunes de level-design, campagnes répétitives, rien ne prédispose le joueur à utiliser la totalité de ses soldats si ce n’est une brusque envie de profiter des conflits sous plusieurs angles. Du point de vue du sniper dégommant les aliens à l’arrière, ou bien du mercenaire kamikaze rentrant dans le gras de mutants dégénérés.
Du coup, Brute force revient très vite ce vers quoi son patronyme couillu le prédestinait : un FPS gras du bide, handicapé par la vue à la troisième personne, des graphismes trop sombres et trop fouillis, et un gameplay trop répétitif. C’est effectivement, à peu de choses près, toujours la même chose : on crapahute d’embuscades en embuscades, nettoyage de la zone, soins divers et variés, puis on recommence. Certes, c’est jouable, encore heureux vu la maigre prise de risque. Mais c’est surtout mortellement ennuyeux. Pire : les développeurs ont cru bon de créer un système de « continues » complètement idiot, qui permet de cloner indéfiniment sa petite troupe. A moins de faire preuve d’une sacré dose d’abnégation, on peut donc tranquillement foncer dans le tas, se faire trouer la peau, se vautrer dans la lave et les lacs d’acide. Evidemment, il ne faudra pas compter sur des notes de fin de mission faramineuse, mais tout de même, y a pas à dire, c’est chouette l’immortalité.
Non seulement Brute force est mal pensé d’un point de vue gameplay, mais il échoue aussi lamentablement à imposer ne serait-ce qu’un soupçon d’univers vidéoludique immersif et original. Techniquement, c’est honorable, mais il ne suffit pas de bump-mapper tout ce qui bouge pour faire montre d’un véritable sens esthétique et artistique. Les différentes planètes visitées ne dégagent aucune atmosphère, rien de séduisant ni d’insolite. Et les personnages sont tellement clichetonneux qu’on croirait presque, l’espace d’un instant, qu’on a affaire à une tentative complètement foirée d’humour au 36e degré -impression renforcée par une VF nullissime et ringarde. A ce niveau de désastre, c’est presque un cas d’école : alors que Brute force jouit incontestablement d’un minimum de savoir-faire technique, il ne parvient jamais à décoller et à s’affirmer comme une évidence. On peut toujours forcer le gameplay, s’obliger à jouer « tactique », histoire de déterrer la substantifique moelle du jeu, sans doute profondément cachée au coeur des modes de difficulté les plus corsés. Mais tant qu’à torcher soi-même le boulot des développeurs à leur place, autant se poser les bonnes questions… Brute force aurait-il pu être une killer-app ? Probablement pas, ses créateurs ont manifestement eu les yeux plus gros que le ventre. Qu’aurait-il fallu faire pour éviter le naufrage ? Un bon FPS de base.