Tout le monde saute en longueur dans Mario 64. Tout le monde roule par terre dans Ocarina of time. Tout le monde court sur les murs dans Prince of Persia. Même quand ça ne sert à rien. Surtout quand ça ne sert à rien. Ne dites pas non, je vous ai vu ! Parce que ça va plus vite. Parce que Link gagne deux centimètres, juré ! Mon oeil. Les actions à la con influent directement sur notre cerveau. Elles nous plongent dans la plus parfaite béatitude. Peut-être même libèrent-elles de l’endorphine, que sais-je… Car enfin comment se fait-il que personne ne se contente de marcher comme le voudrait la logique et sacrifie à une conduite proche du nabot hyperactif ? C’est un grand plaisir de joueur, voilà tout. Dans Blood will tell, on passe trois heures à faire des double-sauts en pestant contre WOW Entertainment pour avoir oublié de coller un bouton de course au héros. Et puis, d’un coup, après un combat acharné, le samouraï récupère une guibole : miracle, il court ! Loué soit notre samouraï en kit. Ce plaisir de la découverte est malheureusement trop rare dans cette adaptation d’un obscur manga de Tezuka (Dororo).
Blood will tell, c’est donc la quête initiatique d’un homme qui tente d’échapper à sa condition de couteau suisse. Hyakkimaru naît avec un sérieux handicap. Victime d’un pacte houleux entre son paternel et la fratrie infernale du quartier, le nourrisson cède 48 organes aux démons. Répudié puis recueilli par un armurier bricoleur, notre samouraï bionique parcourt les plaines du Japon féodal pour récupérer ses biens et croise chemin faisant Dororo, petite voleuse horripilante. A mesure qu’ils pourfendent la racaille démoniaque, il récupèrera des morceaux de corps qui influent sur ses capacités. Enfin c’est vite dit. Passé le twist kojimesque de départ, un jeu en noir et blanc qui accède à la couleur après avoir récupéré l’oeil de notre avatar, les organes glanés sont autant d’excuses à une amélioration statistique qui pue la fainéantise. Comme son héros, Blood will tell est un jeu claudiquant, éclopé, qui tente sans succès de recoller les morceaux. Hésitant entre le beat poussif et l’action-plateformer fatigué, le titre de WOW Entertainment pioche ça et là des idées de gameplay et ne s’impose nulle part.
On connaît le problème de Blood Will Tell. On l’a joué, dans une moindre mesure, chez tous ses comparses du beat’em-all post-2D. Ceux qui se veulent modernes. Ces séquences sous-marines poussives qui viennent polluer Ninja gaiden ou Devil may cry ne sont pas les respirations apaisantes d’un titre qui cherche la variété : ce sont les putains de stigmates du jeu vidéo honteux ! Du beat dans le placard, qui refuse de s’assumer, pioche comme le dernier des crevards chez le premier genre qui passe et se cache derrière son scénario comme pour tenter d’excuser ses évidentes faiblesses. On aurait voulu le soutenir. Dire que ce n’était pas sa faute. Mais entre son cortège de boss diplômés de la Sonic Team, 48 duels acharnés où il suffira de tourner autour de l’adversaire en slashant au réflexe ou en lui lacérant le dos à grand coup de katana, et un feeling à l’impact bande-mou, ce titre refuse obstinément d’assurer le minimum syndical de tout beat qui se respecte. Alors oubliez Blood will tell. Dans dix ans, sur un forum quelconque du Net français, quelqu’un l’exhumera comme on pioche aujourd’hui dans les zones d’ombre de la ludothèque Saturn : Blood will tell aura son heure de gloire. Celle réservée aux mauvais jeux sympathiques qui sombrent dans l’oubli faute d’avoir tenté quoi que ce soit.