Le critique de jeu vidéo passe peut-être de longues heures dans son canapé, il ne lui arrive pas moins de faire d’étranges voyages, et de goûter de drôles de spécialités locales. C’est un peu ce qui est arrivé à votre correspondant avec l’étonnante mixture d’Atelier Escha & Logy.
La série de Gust a beau avoir plus de quinze ans pour à peu près autant d’épisodes, elle n’en demeure pas moins déconcertante pour le néophyte, qui ne saisit pas très bien au premier abord ce qu’on lui demande de goûter. Escha et Logy sont deux alchimistes débutants, engagés par la municipalité pour résoudre tous les problèmes locaux : un moulin en panne, une recrudescence de la délinquance dans les ruines, un puits à sec ? Pas de problème, il y a une recette pour cela. Chaque chapitre propose aux personnages une série de tâches en temps limité, au joueur d’optimiser ses actions pour remplir, outre la mission principale plutôt facile d’accès, un maximum d’objectifs secondaires. Rien de très étonnant de ce côté. Mais le gameplay est une drôle de mixture : une pincée d’exploration, une bonne dose de combats façon jRPG classique, des dialogues à la visual novel, et une bonne rasade de gestion des ressources. Le cœur du jeu est le système de confection alchimique à tiroirs, qui demande au joueur de jongler avec les recettes, les ingrédients, les pouvoirs… On s’y perd, on s’y retrouve, on filtre, on mixe des pommes avec de la ferraille, on malaxe des bouts de monstre avec des fleurs des bois, et on est tout fier du résultat : une épée, une potion, une bombe ou un pantalon…
Le souci avec Atelier Escha & Logy, c’est l’emballage. La direction artistique est un concentré spicy hot de clichés. Les décors seraient honteux dans la plupart des remakes PS2 en HD. Les personnages en Cel-shading sont tellement sucrés qu’on attrape des caries rien qu’à les regarder. Non mais voyez comment ils ont attifé la pauvre Escha, on dirait un cosplay de cosplayeuse : les couettes roses, les petits bas blancs, une queue de raton laveur… Et son cousin Awin ? Un technicien de maintenance en dirigeables, avec ses cheveux blancs, ses lunettes et son maillet pour ratatiner les ennemis. Et tout ce petit monde parle interminablement, blablate ses nunucheries, et patati et patata… On souhaiterait presque que débarque une escouade de space marines chauves pour flamber tout ce monde au lance-flammes. Heureusement qu’il suffit de marteler X pour passer les scènes de dialogue. Un cliquètement presque libérateur.
D’ailleurs, une fois qu’on s’est habitué à l’arrière goût de guimauve, la recette n’est pas déplaisante. Depuis le temps, Gust sait y faire, et la gestion du temps et des ressources permet de soutenir notre intérêt. Atelier Escha & Logy encourage le farming, la répétition des combats pour gagner en expérience et surtout récolter les ingrédients nécessaires à la progression. Il n’est pas très difficile d’exploiter les trucs du système de combat pour triompher sans souci de la plupart des monstres, mais certains ennemis optionnels sont rudement balaises, et il n’est pas évident de remplir tous les objectifs secondaires dans le temps donné, d’autant que l’alchimie exige une certaine finesse. Il faut un rien de stratégie et de créativité pour en tirer le maximum. Le principe d’ensemble est de laisser le joueur à l’aise, tout en l’incitant à prendre des risques. Répétitif, le jeu reste toujours confortable, et constitue un agréable délassement après une dure journée de vrai travail. Il ne faut peut-être pas en demander plus au développeur : Escha & Logy tient de la malbouffe pour otakus, mais il n’y a rien de mal, de temps à autres, à se gaver de bonbecs et de calories creuses, le cerveau débranché. On fait beaucoup plus indigeste et indigent dans le genre, et on y prend goût.