Du sempiternel Temple Run à l’horripilant Flappy Bird, les « endless runner » pullulent sur l’App Store. Pour le pire, comme pour le meilleur. À chaque fois, une même nécessité pour le joueur : perpétuer la course effrénée sans fin d’un personnage en se gardant des obstacles, le tout pour décrocher le meilleur score ever. Aussi surannée soit la formule, elle continue envers et contre tout de faire mouche. Preuve en est Alto’s Adventure, nouvelle itération en date, cette fois sur fond de snowboard. Sans surprise, pas de révolution ici mais la volonté claire de donner vie à un espace à la fois enchanteur, dense et immersif – chose assez inhabituelle dans cette catégorie minimaliste sinon redondante du jeu de plates-formes.
Dans la peau d’une bergère visiblement adepte de sport-extrême, le joueur dévale les pentes enneigées d’une montagne que l’on dirait située en pleine cordillère occidentale. Objectif : rattraper un groupe de lamas ayant profité de votre sommeil pour fuir. Au cours de la descente, moult manières de grappiller des points : effectuer des tricks à la SSX, perturber la quiétude d’un ancien (puis lui échapper), collecter des pièces ou encore effrayer quelques oiseaux assoupis. Avec à la clé des combos multiplicateurs en tous genres. Bien sûr, parvenir à ses fins revient aussi à éviter crevasses, buches et rochers, remplir quelques objectifs, et surtout bien doser ses atterrissages. Un cocktail détonant parfaitement équilibré qui, à la différence de nombreux ersatz, n’éveille la frustration qu’à de rares exceptions.
C’est que l’univers d’Alto’s Adventure est plus subtil, et plus prenant qu’il n’y paraît. À l’instar d’un Tiny Wings, référence du genre, le jeu intègre un cycle jour-nuit du plus bel effet doublé d’une météo évolutive. Ce qui suppose d’une part de composer avec les aléas du climat et de gagner en vigilance – par exemple lorsque les rayons de la lune, trompeurs, se substituent à ceux du soleil. Mais apporte aussi une tonalité intéressante sur le plan chromatique. Ainsi, les variations de lumière, la nuit, donnent lieu à de jolis jeux d’ombres chinoises. Tandis que les tons automnaux, de jour, ne sont pas sans rappeler certaines séquences de Journey. Nul doute, à ce titre, que la direction artistique anguleuse et pastel du titre de thatgamecompany, ou celle de Tearaway, ont servi d’inspiration. Un choix peu original, mais dont le mérite est de faire sortir le genre sot du « endless runner » de ses gonds. En découlent des décors saisissants à la sauce flat-material design agrémentés de superbes effets de profondeur.
On pourra reprocher à Alto’s Adventure son côté répétitif, et ce malgré une génération aléatoire d’aires de jeux. Mais il s’agit là d’une fragilité inhérente aux limitations du genre même – pour le reste vite oubliée lorsqu’il est exclusivement question de scoring. Outre ce léger sentiment de lassitude, n’en demeure pas moins un exercice de style poétique des plus réussis.