Sous la houlette de Guy Darmet, la 9e édition de la Biennale de Danse de Lyon s’élance sur les routes de la soie et présente un panorama alléchant d’artistes traditionnels et contemporains de Chine, du Japon, de Corée, d’Inde… et de France.
80 000 spectateurs attendus, trente-quatre compagnies originaires de treize pays, plus de huit cents artistes, 4 500 amateurs participant au Défilé dans les rues de Lyon, la Biennale de la Danse dégaine un palmarès à tomber par terre. Un sens inné de la démesure que le public entretient avec gourmandise. Difficile de trouver plus fervents spectateurs que les Lyonnais. A l’école de Guy Darmet -directeur depuis vingt ans de la Maison de la Danse et de la Biennale-, pour qui « la danse peut aider à vivre ensemble », ils ont appris à goûter tous les styles, du flamenco au hip-hop, du tango au contemporain le plus austère (même les spectacles réputés « difficiles » dépassent les 80 % de remplissage). Il leur suffit de voir quelques images d’un spectacle pour se précipiter au guichet et acheter leurs billets. Après l’Espagne, l’Afrique, le Brésil, la Méditerranée, la Biennale 2000 s’élance sur les routes de la soie. De la Chine à l’Europe, en passant par la Corée, le Japon, l’Inde…, ce périple, qui par voie de terre couvrait quelque huit mille kilomètres, a tissé, il y a deux millénaires, une histoire commune à tous les peuples traversés, qu’ils soient Afghans, Iraniens ou Italiens. « Cela fait dix ans que je rêvais de bâtir un festival sur ce thème », commente Guy Darmet avec la fougue qui le caractérise. « Comme je ne connais pas l’Orient, je suis donc allé sur le terrain durant quinze jours par mois pendant huit mois, pour dénicher les artistes les plus talentueux, mais aussi les plus novateurs, de tous les pays traversés autrefois par les aventuriers de la soie. »
Cette épopée chorégraphique nous entraînera donc sur les pas des danseurs classiques chinois, quasiment jamais accueillis en France, des interprètes de kabuki, et à la découverte du théâtre dansé thaï, avec ses marionnettes et ses fabuleux costumes…
Côté contemporain, il faudra compter avec le jeune Coréen très attendu, Hong Sung-Yop ; l’avant-gardiste et explosif Hongkongais, Daniel Yeung ; le Japonais Kim Itoh, qui s’attache à faire jaillir dans ses spectacles « la qualité extraordinaire dans la vie ordinaire de tous les jours ». Quant au vieil Indien de soixante-quinze ans, Narendra Sharma, il est quasiment le seul directeur de compagnie contemporaine dans un pays qui ne jure que par la tradition…
Pour contrebalancer ces exotismes fascinants, Guy Darmet a bien entendu fait appel aux chorégraphes de la région (Christiane Blaise, Jean-Claude Gallotta, Delphine Gaud, Kilina Krémona) qui, de par l’histoire locale (les premiers soyeux lyonnais partirent en 1536), sont pour lui les plus habilités à évoquer la soie. Avec Les Larmes de Marco Polo, on se laissera emporter par le talent de conteur de Jean-Claude Gallotta, qui s’inspire du journal de Marco Polo relu et corrigé par l’écrivain Claude-Henri Buffard pour fouiller le rapport à l’Autre, au différent, avec cette soif immense de s’ouvrir au monde que peut représenter le périple du Vénitien.
La jeune Ardéchoise Delphine Gaud, encore peu connue, a rêvé sur l’histoire des trois voleuses de soie consignée par le psychiatre Gaétan Gatian de Clérambault au début du siècle dans son ouvrage La Passion érotique des étoffes chez la femme. Sous le titre de Bombyx Mori, elle tente de tisser une histoire commune aux marchands de la soie, aux ouvrières des filatures ardéchoises, et à ces femmes sous influence qui s’évanouissaient de plaisir au contact du tissu. Presque sur le même thème, la Grenobloise Christiane Blaise opère entre « velouté extrême et déchirure » dans Alerte à la soie : « J’entrevois une folie soyeuse, une soie furieuse, une aventure poétique jubilatoire ou féroce, un corps à corps au pouvoir de cette chaîne et trame qui avance, tue et caresse, excite et rend fou. »
Mais cet éclectisme de très bon goût ne serait rien sans un art consommé pour la fête. Le Défilé, rendez-vous fameux de la Biennale regroupant quelque trente groupes amateurs régionaux et presque autant de chars pilotés par trente chorégraphes, mettra Lyon dans la transe. Cent cinquante mille personnes sont attendues pour s’y trémousser en toute liberté.
Biennale de la Danse
Du 8 au 30 septembre 2000
Renseignements : 04 72 07 70 00