En marge des épisodes « officiels », Capcom n’hésite pas à rentabiliser sa série fétiche « Resident evil » avec des spin-offs plus ou moins réussis. Umbrella chronicles, shoot sur rail relativement convaincant, fait plutôt partie du haut du panier. A l’occasion de sa sortie sur la Wii, rencontre avec Masachika Kawata, le producteur du jeu.Depuis son arrivée chez Capcom, dans les années 90, Masachika Kawata a quasiment travaillé sur toutes les licences survival horror développées par l’éditeur (Resident evil, Dino Crisis), d’abord en tant que designer, puis en tant que producteur. Même s’il semble désormais un peu lassé par le genre, il a bien voulu répondre à nos questions sur Resident evil, mais aussi sur Capcom et la situation du jeu vidéo au Japon.
Chronic’art : Depuis votre arrivée chez Capcom, vous avez principalement travaillé sur des survival horrors. Est-ce parce que le genre vous attire particulièrement ?
Masachika Kawata : Au départ, j’étais plutôt intéressé par d’autres types de jeux. Je travaillais sur des projets complètement différents, mais lorsque Resident evil est arrivé, je n’ai pas pu m’empêcher d’y jeter un coup d’œil et le résultat m’a vraiment impressionné. C’est ce qui m’a poussé à m’orienter vers le survival horror. J’ai débuté avec Dino Crisis, développé en parallèle avec Resident evil 2 qui était réalisé par une autre équipe.
En dehors des survival horrors, vous avez travaillé sur P.N.03, un shoot produit par Hiroyuki Kobayashi et réalisé par Shinji Mikami. Comment s’est déroulé le développement du jeu ?
En effet, ce fut mon dernier jeu en tant que designer. Le temps de développement était malheureusement très court, ce qui nous a contraint à résoudre de nombreux problèmes dans des délais records.
Comment s’est déroulé la transition entre votre poste de designer à celui de producer au sein de Capcom ?
C’était une volonté de ma part. J’avais le sentiment d’être arrivé au bout de mon travail de designer, je me suis donc mis en avant pour progresser dans la société.
Par la suite, vous vous êtes occupé de l’adaptation de Resident evil 4 sur PlayStation 2.
Oui, étant à l’origine designer sur cette série, je suis tombé assez naturellement sur ce projet. J’avais pourtant l’intention de commencer mon travail de producteur sur quelque chose de moins ambitieux, mais en général, on n’a pas vraiment son mot à dire lorsqu’on vous propose de participer à la réalisation d’un Resident evil. C’était à la fois une bonne surprise et une grosse période de stress.
De stress ?
J’ai été parachuté, complètement dans le vague, sur ce projet sans encore bien connaître mon métier. Avec le recul, je dirais que le fait d’avoir à la fois les mains dans le cambouis et la tête dans la promo, au moment où certains éléments ne sont pas tout-à-fait définitifs, est assez complexe à gérer. Il faut savoir jongler sans cesse avec les deux. En résumé, j’arrive, on me file un gros tas de pognon pour faire un jeu et on me dit débrouille-toi. C’est une pression assez lourde.
Dans quel pays Resident evil est-il le plus populaire ?
Les Etats-Unis probablement, talonnés de près par l’Europe.
Est-ce que vous modifiez des éléments en fonction du pays ?
C’est vrai que la localisation occupe une place de plus en plus importante. Dans les faits, on modifie certains aspects, comme le degré de violence – au Japon il y a quelques réticences alors qu’aux Etats-Unis c’est un aspect très vendeur. Jusqu’à maintenant, les versions européennes étaient quasiment identiques versions américaines, parce que nous considérions les cultures étaient plus proches. Depuis, les choses ont un peu changé : un pays comme l’Allemagne, par exemple, est désormais de plus en plus proche du Japon en ce qui concerne la tolérance à la violence.
Il existe une version de Resident evil 4 inachevée qui est radicalement différente de celle qui est finalement sortie. Pouvez-vous m’en dire un peu plus ?
C’était une tentative pour redéfinir les bases de la licence, comme on l’a déjà fait auparavant pour d’autres titres. Au bout du compte, on s’est dit que ça ne correspondait pas du tout à la série et on l’a jeté. En fait, on a commencé à travailler sur Resident evil 4 avant le premier Devil may cry.
Avant le premier ?!
Oui, c’était il y a vraiment très longtemps. Cette version, telle que vous l’avez vue, n’existe plus, elle a implosé pour donner naissance à Devil may cry et Resident evil 4.
Concernant Umbrella chronicles, est-ce que le concept de shoot sur rails s’est imposé dès le départ ?
On a beaucoup discuté sur ce qu’on pouvait faire mais on a préféré se concentrer sur le tir et laisser le reste de côté. Tout en soignant le scénario, pour maintenir l’intérêt du jeu et proposer des situations variées, afin d’éviter le côté répétitif inhérent au genre.
Y a-t-il une autre licence Capcom sur laquelle vous aimeriez travailler ?
Il y en a énormément. Si l’occasion m’était offerte, j’aimerais créer ma propre série. Quelque chose de coloré, léger, amusant, à l’opposé total de ce que je fais actuellement, justement.
Quel est votre vision du jeu vidéo au Japon, avec les coûts de développement qui atteignent des sommes phénoménales et le manque de succès du jeu sur salon en comparaison aux consoles portables ?
A vrai dire, même sur DS, il y a tellement de titres que les jeux à gros budget ne se vendent plus tant que ça. Effectivement, tout devient de plus en plus cher avec la taille des équipes. Nintendo est une société très particulière, qui prévoit de façon très carrée, analyse en amont toutes les données d’un projet, le coût, les ventes à prévoir. Ils sont très forts pour ça. A Capcom, on essaye également d’utiliser nos ressources au mieux pour éviter de pulvériser le budget. Ca arrive encore qu’on dépasse, mais on planifie de plus en plus.
Dans cet ordre d’idée, que pensez-vous de titres comme Shenmue ou Final fantasy XII qui se sont avéré des gouffres financiers ?
Je ne pense pas que ce soit un problème propre au jeu vidéo. Ca arrive également dans le domaine du cinéma ou du théâtre, c’est toujours le risque majeur lorsqu’on s’attelle à un gros projet. Francis Ford Coppola a connu ce genre d’enfer, par exemple. Ridley Scott aussi, pendant le tournage de Blade runner. Pour Shenmue, j’ai entendu les mêmes rumeurs que vous, mais je ne sais pas vraiment où ça a dérapé.
Est-ce que vous tirez parfois votre inspiration de certains jeux occidentaux ?
J’ai vu quelques jeux, comme Gears of war et God of War, qui m’ont beaucoup impressionné. GTA également, je trouve cela très intéressant.
Le jeu a très bien marché au Japon…
Oui, c’est justement Capcom qui le distribuait.
Selon vous, quelles sont les raisons d’un tel succès ?
Je pense que ça a surtout marché auprès des générations plus jeunes. Pour moi, c’est un jeu qui a la classe, une classe différente de ce que les jeux japonais peuvent offrir. C’est une histoire de gangs, de mafia, avec à sa tête un anti-héros, à une période où les jeunes sont plutôt attirés vers ce genre de modèles. Mettre en scène l’illégalité, dans un jeu ou au cinéma, séduit une partie de la jeunesse japonaise actuelle. Ce n’est pas innocent si le personnage le plus important dans Umbrella chronicles est le méchant.
Propos recueillis par
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