Romain Turzi, un peu réac, un peu mystique, adepte du « 1 accord » et de lives electro-kraut complètement psychés, nous a octroyé quelques mots sur sa première sortie, le EP Made under authority. Entretien numérique.
Chronic’art : Can ou Neu ! ?
Romain Turzi : Deux mots de trois lettres dont l’un est ponctué… Trois lettres, ok mais un seul accord s’il vous plait ! Ayant depuis toujours évolué avec ces musiques, je les considère aujourd’hui davantage comme un patrimoine que comme des influences, même si je leur dois respect et humilité.
Rock ou Disco ?
Garde ces questions pour les groupes en Converse et pantalons moule paquet qui passent plus de temps à se gominer la crinière qu’à se chercher des influences. Made under authority n’est pas un disque de post-punk-néoglam pour affiliés Rock & Folk. A ce propos, j’aurais tant aimé être à Brighton du côté des rockeurs, car casser du mods ça doit vraiment faire du bien.
Live ou CD ?
Le CD est un concentré d’idées, de sons, d’humeurs et de désirs fidèles à l’état d’esprit d’un moment précis qui se situe derrière dans l’espace temps. Made under authority est un disque composé de plages essentiellement instrumentales pour la plupart composées instantanément. J’entends par là qu’aucune partie n’était préméditée. Quand j’enregistre un morceau, rien n’est pré-composé, je n’ai aucune idée de comment est-ce qu’il va se terminer car je laisse libre cours à mes idées qui viennent se superposer de façon immédiate et instantanée. En ce sens, tu pourrais me considérer plus proche d’une personne qui joue de la musique dite « électronique » que d’un compositeur de pop : tout se fait au fur et à mesure avec un fort degré d’incertitude. Saches que tout est joué humainement, que tout est enregistré de façon brute sans ajouts de fioritures de type numérique. Sur scène, comme sur certains morceaux de l’album, je suis entouré d’exécutants regroupés sous une même entité, Reich IV, ainsi nommée car chacun accomplis des bribes musicales qui, juxtaposées, forment un ensemble musical illustratif et non pas démonstratif. Les concerts que je donne avec Reich IV (Sky Over, exécutant A, est l’entité rythmique, Judah Warsky, exécutant B, appuie sur les noires et les blanches, Günter Rock, exécutant C joue du potentiomètre et de la 6 cordes, tandis que Leclerc, exécutant D, caresse son gros manche à l’arrière de la scène) ne sont que l’interprétation à un moment donné de mes morceaux. Evidemment, les structures évoluent en fonction de l’endroit où l’on joue, du cachet qui nous est alloué, du matériel que nous avons emporté et des drogues ingurgitées. De ce fait, il arrive fréquemment que nous inversions les rôles, que tel ou tel exécutant passe du clavier à la guitare et que nos concerts soient tantôt « électrique » tantôt « électroniques ». Reste que le live et le compact sont habités de la même transe et du même esprit.
Air ou Daft Punk ?
Humainement, je trouve que le personnel de Phoenix est plus attachant, les deux Air sont soit trop roux, soit trop romantique. Daft Punk : connais pas.
Tant qu’on parle de Versailles et de sa jeunesse dorée, il est intéressant de rappeler qu’Areski (de Brigitte Fontaine et Areski, de Higelin et Areski, de Art Ensemble Of Chicago et Areski, de Sonic Youth et Areski…) est lui aussi né au pays du Roi Soleil ; et si je devais n’en retenir qu’un ce serait lui. Quoiqu’il arrive, je ne pense pas que ma « carrière » prétende au même
succès populaire que celui de ces deux groupes, on ne joue évidemment pas dans la même catégorie. Les prétentions commerciales de ma musique sont autres car elle
ne tend pas à rentrer pas dans leur « format ».
Le plein ou le vide ?
Tu parles encore de Daft Punk et de Air ? Non, alors, dans ce cas « le plein d’alcool dans un ventre vide… ». Les substances sont nos amies, elles nous aident à percevoir l’imperceptible, alors nous vivons avec elles au quotidien.
60’s ou 80’s ?
Non, non, je suis né en France dans les 70’s, et c’est la musique de cette époque que j’écoute. Les 60’s riment avec Red Krayola, 13th Floor Elevator, la BO cheesy, Silver Apples, Sterling Morrison & The Velvet Underground, Terry Riley… mais les 80’s, c’est les bonnes années de Sonic Youth, de Dinosaur Jr, de Gumball, de My Bloody Valentine, alors… Mes influences sont plus géographiques qu’historiques car je fais une musique européenne qui prend ses sources dans des endroits calmes et reposants comme les Alpes (Catherine Ribeiro), les bords du Rhin (Harmonia, Cluster, Neu!), la France camembert (Gong, Dashiel Hedayat), la Bavière (Can), l’Helvétie (Brainticket) et pourquoi pas Versailles (no comment).
Analogique ou numérique ?
Le numérique sert l’homme pour communiquer avec l’homme. L’analogique sert l’homme pour communiquer avec l’esprit. C’est grâce au numérique que j’ai acquis de l’analogique, soit via un enregistreur / séquenceur, soit via eBay, tout simplement…
Ciné ou télé ?
Aujourd’hui il n’y a plus que la télé numérique pour regarder le ciné analogique. C’est ce qu’on appelle « le bouquet ».
Jésus ou Horus ?
C’est après avoir vu Jésus que nous avons enregistré Horus in A dans la maison de Dieu à l’Etang la Ville (la Johnny Halliday’s Mansion, ainsi nommée car « il » y a vécu dans les années 80). Ce morceau monophonique en La du début à la fin est un psaume instrumental glorifiant le monothéisme et la soumission à l’esprit de Dieu. Horus, le canin qui la surveille, est en ce sens le gardien de la maison de Dieu car Jésus-Christ est un hippie.
Propos recueillis par
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