Les 23e Rencontres Transmusicales de Rennes ont commencé ce 28 novembre 2001. TGV, installation, promenade, interview et première soirée à La Cité, qui augure le propos du festival : une transversalité des musiques, de ceux qui la font, de leurs origines, des géographies. Des rencontres.
Arrivé par TGV dans la belle ville de Rennes où il fait bon. Je me rends au Village au stand des accréditations récupérer la mienne. Un Pass bleu « média » dont quelqu’un d’aviné me dira en rigolant, un peu plus tard dans la soirée « Tu me le donnes ou je te casse la gueule ». Avec le Pass, je reçois des cadeaux : un bonnet noir Le Mouv’, un k-way noir Le Mouv’, une espèce de banane grise Vivendi, et le kit du festivalier offert par la salle parisienne du Nouveau Casino, comprenant entre autres un chewing-gum Hollywood, des pastilles Smint, un briquet kaki, un bloc-note joli, un préservatif Buddy Boy, un stylo Coca, un bonbon Daim, une boîte d’allumettes et le programme du Nouveau Casino, sur lequel on peut voir une très belle photo de Delphine Roger, qui, la pauvre, a du rester à Paris, clouée par une trachéite. Tous nos voeux de rétablissement accompagnent ce compte-rendu.
Après deux heures passées à essayer de configurer l’i-Book pour accéder à Internet depuis ma chambre d’hôtel, je pars en pestant vers la salle de la Cité, pour rencontrer le groupe japonais Les Pascals. Les rues sont toujours aussi charmantes, malgré des travaux un peu partout et des planistes vigi-pirates en treillis. J’ai un peu de mal à m’introduire dans la place, un service d’ordre zélé bouchant le passage. Finalement, j’accède aux loges, on m’offre un café, j’offre un Chronic’art papier. Monisieur Nguyen du label DSA est un peu triste de n’y pas trouver l’article promis sur Arca-Chauveau, mais je le console en lui parlant de celui,flatteur, paru dans les Inrocks. Je fais l’interview (voir interview des Pascals). Je repars à l’hôtel.
Là, je mate Lyon-Montpellier sur Canal en téléphonant à Club-Internet. Je poireaute dix minutes en écoutant les promotions de l’opérateur sur fond d’Air, avant de dire allô à quelqu’un qui me dit allô à son tour. Et la communication est coupée. Je leur enverrai la note de téléphone. J’utilise finalement l’assistant internet de mac qui fait bien son boulot. 3-0 pour Montpellier, je repars pour la Cité pour le concert.
Des flics arrêtent des voitures dans les rues. Plus loin, des dealers me font « Shhhhhiiitttt » au passage. Arrivé, fouille serrée. J’ai un pass avec marqué « photo » dessus, mais on me dit : « Seulement des photos sans flashs. Sinon, je réquisitionne l’appareil ». Grand bien lui fasse, moi je vais boire une bière (15 F, à échanger en tickets-boisson sur tout le festival) en écoutant Tinariwen, groupe de sept musiciens Touaregs, habillés en costumes Touaregs, chantant des chants Touaregs sur fond de guitares blues nord-américaines. Curieuse mixture, d’africain et d’occidental. Les voir ainsi habillés (grandes bures blanches de tissu fin, turbans noirs autour des cheveux) en train de manier des guitares électriques, donne une forte impression d’anachronisme et d’étrangeté. Un peu comme de voir des films de Bollywood imitant ceux d’Hollywood. Pourtant, le charme opère vite. Répétitif, lancinant, limite psychédélique, leur blues africain mâtinée de chant syncopés en harmonies vocales plaintives, est saisissant. Les deux choristes poussent des hululements qu’on entend en général sur la chaîne Planète, les guitaristes font des boucles hypnotiques, un solo parfois, et tout le monde tape des mains, et tout le monde chante en choeur. Une version moderniste de la musique traditionnelle du Mali, qui introduit en force la tonalité trans-genres, trans-géographies de ces 23e rencontres. Le public est gagné.
Après une crêpe-saucisse, direction la fosse pour l’entrée en scène des Pascals, groupe japonais fondé par Rocket Matsu en 1995, en l’honneur de Pascal Comelade, dont les 13 (!) membres du groupe reprennent ici certains titres, au milieu de compositions originales et de reprises également de Brian Eno, Henry Mancini ou Nino Rota. Tous assis en rang d’oignons, portant de curieux bonnets sur la tête, maniant violoncelles, violons, accordéons, ukulélé, banjo, batterie, diverses percussions, melodica, harmonica, et autres fantaisies, les Pascals produisent une musique mélodieuse et richement arrangée, où chaque participant trouve sa place et sa texture, au milieu d’une harmonie générale et puissante. Nostalgique, enlevée ou mélancolique, leur musique relève de l’enfance et de son imagination sans bornes. Le groupe ressemble à une petites armée de lutins, d’elfes facétieux, surtout lorsqu’il chantent tous en chœur de leurs voix aigues. Un gros percussionniste dansant à gauche de la scène s’essaie comiquement à frapper une cymbale haute perchée au bout d’un piquet, déclenchant les hourras et la sympathie du public. Un titre commencera en douceur avant de lentement progresser vers une gigue endiablée, à un rythme effréné, où tout le monde criera et chantera, et où le violoncelliste se saisira hystériquement d’une scie circulaire pour faire cracher des gerbes d’étincelles au pied de son instrument. Follement spectaculaire et clou du show.
Là également, on assiste à l’inédite rencontre de la musique instrumentale occidentale (entre les films de Fellini et les suspensions d’Erik Satie) et de la tradition japonaise (ténue cependant, à travers le jeu de percussions zen et le côté haïkus des pièces musicales). Un rappel triomphal et les Pascals s’en vont en saluant de petits mouvements de têtes.
Suivront Lila Downs, qu’on n’apercevra que de loin. On aurait dit la chanteuse de Talons Aiguilles hybridée avec Madredeus. Pas convaincu et fatigué, on loupera la suite (N’java, de Madagascar, et Wagner Pa, sorte de Manu Chao brésilien). Mais on aura eu le temps de constater que, même pour cette première affiche pas forcément évidente, la salle aura fait le plein, et que le public des Transes est encore et toujours le plus chaleureux, le plus enthousiaste qu’on puisse voir. Cela s’annonce bien.
Rentré mater Dantec, Sollers, Mocky et Laurent Gerra à la télévision française (!), j’ai fini de passer une bonne soirée. A demain.
Les Trans 2001, vous y étiez, vous n’y étiez pas. Qu’importe, réagissez sur le forum de Chronic’art…
Lire :
le compte-rendu du 29.11.01
le compte-rendu du 30.11.01
le compte-rendu du 01/02.12.01