Vive la confusion mentale. Pour le quatrième jour des Transes, on va enfin entendre de la bonne musique. Tout le monde est une « very important person ». Les bretons sont sympas, comme 18 000 clones de Marc Elias (du Pop’in), complètement bourré (« aussi collant qu’une marée noire », pour citer un génie).
Réveil. Etienne allume machinalement la télévision, et divine surprise, nous tombons sur un unplugged de Herman Düne dans l’émission Ubik sur la Cinquième. Joie : on improvise une hola à deux. Pendant que Etienne retranscrit l’interview d’Atom Rhumba, je vais au Village interviewer Aesop Rock et Cannibal Ox. Ca se passe plutôt bien, le Dj du groupe français La Caution participe à l’entretien, et nous finissons par une séance photo épique avec Samuel qui virevolte autour du groupe comme un moustique importun, les traitant de « fags! » pour les dernières photos. Sans doute les plus réussies du lot. A lire et à voir bientôt sur Chronic’art…
Après un énième sandwich « boucher » (rôti, salade, tomate, cornichon, béarnaise, moutarde), nous repartons interviewer les Dirtbombs, groupe électrique de Detroit, ex Gories, qui ont sorti cette année un album de reprises soul et rythm’n’blues furieuses. Mick Collins et ses comparses sont d’excellente compagnie : « Qu’on ne vienne pas m’emmerder avec les Stooges et le MC5, pour moi, Television et les Swell Maps sont beaucoup plus importants en termes d’influence. Les gens vénèrent les Ramones, mais pour moi, c’est un groupe mainstream, qui passait à la radio en même temps que Toto et Genesis. »
Nous repartons à l’hôtel nous pogner sur un sitcom douteux de TF1 avec Adeline ex-Halliday. Les filles y sont bonnasses, et tout le décorum évoque immanquablement les productions Marc Dorcel circa 1982. Du coup, on arrive en avance à la salle de la Cité, on patiente sagement au pastis et à la bière. Quand le concert de Programme commence, certains se gaussent. A la fin, ils ne feront plus les malins, car le meilleur concert des Transes, c’était celui là. Bien que le groupe se cache derrière un dispositif scénique par trop esthétisant, l’intensité, la lucidité et l’honnêteté de leur prestation nous met les larmes aux yeux. Il n’y a que pour Programme que le terme de « groupe de rock français » ne semble pas injurieux. C’est ce qu’Etienne dit à Vincent Chauvier du label Lithium, qui part au quart de tour (« Il serait temps qu’on arrête de faire la différence entre groupe français et groupes anglo-saxons. De la bonne musique est toujours de la bonne musique »).
Il est déjà temps de se caler au premier rang pour la prestation thermonucléaire des Bantam Rooster, de Detroit, power-trio persuasif fondé par des membres des Dirtbombs qui incendient la salle de la cité à l’aide de deux guitares et d’une batterie. Ce mélange de garage (Monks, The Litter et tutti quanti…) et de hard-rock (AC/DC + Motörhead, wow !) part dans tous les sens et nous dansons comme des fous. Avant de retrouver Jean Noël Dastugue de Magic, qui nous fait part de ses inquiétudes : « Putain c’est la mort ici, j’ai déjà claqué 1 500 balles rien qu’en picole ! Et le pire c’est que j’ai le droit de faire des notes de frais et que j’oublie à chaque fois de demander une facture ! ». Il nous traite de « journalistes gonzo ». Nous sommes flattés. Le DJ Eye Spooned assure méchamment en enchaînant Gang of Four, Shellac, Make-Up, Ramones.
Suit Bob Log III, homme orchestre camouflé derrière son éternel casque de moto. A lui seul, il fait plus de bruit que les trois membres réunis du Jon Spencer Blues Expolsion. Changeant de cordes en battant la mesure de son blues surélectrisé. Mais on a faim, et c’est un peu toujours pareil, Bob Log. Après le troisième kébab d’Etienne, nous retournons voir les Dirtbombs, en compagnie d’Alexis, Anna et Laurent, des soirées Lipstick. Les Dirtbombs (2 batteries, 2 guitares, 1 basse) se révèlent décevants : alors que leurs disques donnent irrésistiblement envie de remuer le bassin, sur scène, ils ne parviennent jamais à décoller, mis à part sur I’m thru with the white girls, tube impeccable chanté par le bassiste, qui en remontrerait aux Hives.
On bouge direction le Village, où se produisent les excellents Cannibal Ox et Aesop Rock. Je demande à une fille : « Tu aimes le hip-hop ? ». Sur une musique simple et minimale, l’efficacité du crew sera maximale. Le public du Liberté haut est plus nombreux qu’au Liberté bas. Au restaurant, Etienne incendie le rédacteur musique d’une revue de la Régie des Transports Parisien parce qu’il n’a jamais entendu parler des Byrds ! Il quitte la table dégoûté et nous pensons à ces propos de Steve Albini : »Imagine qu’un type veuille faire des articles sur les concours de chiens alors qu’il ignore les différentes races canines, à mon avis il ne tiendra pas longtemps…Le journalisme musical est le seul domaine où l’incompétence est systématiquement encouragée et dissimulée. » Nous investissons nos derniers francs dans des vodkas tonic régénératrices et dérivons vers le set ridiculement prévisible de Fischerspooner : un play-back raté de bout en bout (le chanteur enlève son pantalon mais les enceintes continuent de diffuser sa voix). Cependant, en véritable entertainer, il reprendra Wire avec succès, tandis que nous dansons enfin sur de la musique électronique. Puis Techno Animal dévastera les survivants à coup de beat hip-hop transcendant une agression sonique salutaire.
Plus tard, au bar, on fait un bilan avec les parties en présence. Tout le monde est d’accord pour dire que le concert de Programme était le meilleur du festival. En regagnant notre chambre, nous nous suicidons allègrement l’estomac en consommant un sandwich à l’andouillette avec des frites recouvert d’une dose scandaleuse de très bonne mayonnaise. D’ailleurs le lendemain, on en retrouve un peu partout. On est prêt à dormir pour de vrai pour au moins 48 heures d’affilées. En quittant l’hôtel, Christophe Basterra de Magic refuse notre paquet de chips. On a bien rigolé.
Les Trans 2001, vous y étiez, vous n’y étiez pas. Qu’importe, réagissez sur le forum de Chronic’art…
Lire :
le compte-rendu du 28.11.01
le compte-rendu du 29.11.01
le compte-rendu du 30.11.01